Une invitation à refonder
l’anarchisme organisé
Les collectifs québécois de la NEFAC sont en pleine redéfinition. En effet, les sections québécoises et américaines de la fédération ont décidé de former deux organisations solidaires mais indépendantes. Les 22 et 23 novembre, nous tiendrons un congrès dans la Métropole qui sera l’occasion d’adopter le manifeste et la constitution d’une nouvelle organisation communiste libertaire québécoise. Nous voulons profiter de l’occasion pour entamer un dialogue avec des camarades proches de nous et voir s’il est possible de faire un bout de chemin ensemble et d’intégrer plus de militantEs au processus dans toutes les régions du Québec.
Notre base d’unité
En une petite décennie de luttes, une organisation communiste libertaire sérieuse a enfin réussi à s’implanter au Québec. En soi c’est déjà une victoire, mais il y a encore beaucoup de chemin à faire, selon nous, avant de voir émerger dans la province le type d’organisation révolutionnaire que nous préconisons. Pour assurer le développement de l’anarchisme organisé au Québec, une stratégie impliquant plusieurs tâches à mener de front s’impose. Il s’agit d’enraciner une organisation révolutionnaire militant pour des mouvements sociaux combatifs et pour l’émergence d’une gauche libertaire large et ouverte.
Mais d’abord, de quel type d’organisation parlons-nous? L’organisation, telle que nous la concevons, est l’un des moments des luttes sociales. C’est une assemblée de militantEs sur la même longueur d’onde, un lieu de confrontation et de synthétisation d’idées et d’expériences sociales et politiques. Ce n’est pas un groupe secret, un club privé ou un groupe d’affinité mais une organisation publique dont on peut devenir membre si on est d’accord avec ses positions. L’organisation est nécessaire pour partager des ressources, rompre avec le localisme et maximiser l’impact des pratiques libertaires en coordonnant nos activités politiques. L’expérience nous a amené à adopter les principes d’organisations plateformistes, c’est-à-dire une organisation efficace qui repose sur:
- L’unité théorique et tactique
- Le fédéralisme et la démocratie directe
- La responsabilité collective.
Nous n’avons pas une approche dogmatique de la «Plateforme d’organisation des communistes libertaires», le document de base du «plateformisme»; c’est le point de départ de notre pratique et non le point d’arrivée. Concrètement, la recherche d’unité et de cohérence est un processus permanent qui se vit au travers de débats internes. Le fédéralisme et la démocratie directe nous permettent d’atteindre un certain équilibre entre autonomie et force collective. Ce qui est commun est collectivisé et contrôlé démocratiquement par l’ensemble de l’organisation mais les militantEs gardent leur pleine autonomie politique et organisationnelle dans leur militantisme local. La responsabilité collective signifie que les membres de l’organisation participent aux débats internes et à la prise de décision mais doivent se rallier aux positions majoritaires. Bref, les militantEs sont solidaires des positions et des campagnes adoptées et y participent.
Reconquérir une base sociale
À chaque fois que l’anarchisme a joué un rôle dans d’autres pays, il y avait des anarchistes organiséEs et profondément enracinéEs. Que ce soit en Espagne, en Ukraine, en France ou au Mexique, on trouve un anarchisme organisé présent dans la plupart des localités et tous les quartiers des grandes villes, une activité intense dans tous les mouvements sociaux, une presse vivante et diversifiée. On peut dire que dans tous les cas où l’anarchisme a compté, il y avait un enracinement et une base sociale au mouvement. C’est ce qui fait défaut à l’anarchisme québécois et c’est ce que nous voulons changer.
Il y a longtemps que le mouvement anarchiste québécois est un phénomène générationnel impliquant essentiellement des jeunes. Chaque nouvelle génération militante chasse la précédente et doit pratiquement réinventer la roue. Pour réussir à reconquérir une base sociale, les communistes libertaires doivent relever le double défi de l’enracinement et de l’insertion sociale sur le moyen et long terme. Si nous n’arrivons pas à développer une présence militante dans les luttes de notre classe, nous n’avons aucune chance. Il est temps de reconsidérer une forme de militantisme fondamentale: l’action de masse des mouvements sociaux dans les quartiers, les écoles, les campus, les lieux de travail, etc. C’est peut-être moins glorieux qu’un certain militantisme «radical» mais c’est incontournable pour s’inscrire dans la durée et construire un courant ouvert sur l’ensemble des réalités de notre classe.
L’anarchisme organisé n’a pas à être confiné aux ghettos militants. Il doit s’épanouir dans les quartiers et les lieux de la vie quotidienne. Le mouvement anarchiste doit aussi sortir des grandes villes et s’implanter sur tout le territoire. Pour consolider l’anarchisme dans notre classe, nous sommes prêtEs à aller là où nous ne sommes pratiquement jamais alléEs : dans les petites villes de la province.
Nous nous engageons à soutenir matériellement et moralement quiconque voudra intégrer un groupe existant de la nouvelle organisation ou en développer un dans sa ville. Refonder l’anarchisme organisé et en faire une force qui compte dans la société n’est pas une mince affaire... Si ça vous intéresse et que vous voulez avoir votre mot à dire, c’est le bon moment. Toutes les contributions sont les bienvenues!
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Extrait du numéro 22 du journal Cause commune (à paraître début octobre)
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