mardi, juillet 15, 2008

Un squat historique allemand attaqué

Hambourg, une ville de l'extrême-nord allemand, est très intéressante. J'ai pu y faire un saut à l'été 2007 dans le cadre des mobilisations contre le G8 qui se tenait, lui, près de Rostock, ville contaminée par une présence impressionnante de néo-nazis.

Contrairement aux autres villes allemandes du nord et de l'est, Hambourg est une ville que l'on peut qualifier de progressiste, un peu à l'image de Berlin. Ce qu'il reste des deux Allemagne ne sont plus des ruines physiques, mais un fossé social et culturel qui persiste. Il n'y a vraiment aucune similitude entre Hambourg et Rostock par exemple (au niveau architectural c'est saisissant), pourtant séparées de moins de 100 km...

Les anarchistes de longue date connaîtront sûrement certains épisodes des « années squats » en Allemagne de l'Ouest, années alors marquées par le développement du courant « autonome » à la fin des années 70. Ce courant naît de l'opposition de la jeunesse allemande des années 60' face à l'État social-démocrate. En effet, les membres du gouvernement et à plus large échelle les administrateurs de la RFA ont pour plusieurs exercés des fonctions durant la période nazie. L'État fédéral est vu comme une transformation de la société fasciste, incarnée également par la présence de l'OTAN et des soldats américains sur le sol allemand. La RFA était par ailleurs le QG de l'armée US pour l'organisation des bombardements au Viêt-Nam. La jeunesse allemande concentrée dans les universités se révolte non pas contre un gouvernement, mais contre l'ensemble de la société allemande : État, famille, travail, armée...Le contexte de radicalisation est énorme, ce qui entraînera l'apparition suite au mouvement étudiant de 1968 de différents groupes de lutte armée, dont le plus connu demeure la Rote Armee Fraktion (RAF), qui agira de 1972 à la fin des années 90. Le mouvement autonome naît de ces conditions, et Hambourg en est une place forte.

Quand on marche dans les rues du centre de la ville, tout proche du quartier Sankt-Pauli, que les fans de soccer reconnaîtront (http://fr.wikipedia.org/wiki/FC_Sankt_Pauli), on peut y sentir cet esprit insoumis, de par ce qu'il y a de moins inusité, tels les murs d'affiches et de graffitis, mais aussi par ce qui est de plus surprenant, telle cette boutique de l'activiste anarchiste 101 : masques à gaz, gants, sacs à dos, chandails à capuches, tout est là, et en plus présenté sur des mannequins. Une sorte de Zellers autonome, en quelque sorte.

Mais c'est dans le quartier Schanzenviertel que l'on retrouve les squats. Il y avait ces appartements, assez modestes, qui communiquaient tous entre eux. Il s'agissait d'une sorte de réseau de maisons, séparées d'une petite ruelle. Ces logements étaient habités depuis le début des années 80 par des personnes à faibles revenus, parmi lesquelles beaucoup d'immigrantEs et de réfugiéEs. La ville tolérait plus ou moins, finissant par stabiliser la situation en demandant un versement symbolique de quelques euros à chaque mois afin d'assurer la distribution du gaz. Ce qui était fascinant fut de constater le niveau d'organisation et d'entraide de ces gens pour qui cela était devenu une habitude.

Et, au centre de tout cela, le Rote Flora (La Fleur Rouge: http://fr.wikipedia.org/wiki/Rote_Flora), un ancien théâtre squatté depuis 1989. Il s'agit dorénavant d'un énorme centre social où s'y déroule réunions, concerts, projections, fêtes et assemblées de quartier, etc. Il ne s'agit plus d'un lieu d'habitation. Le Rote Flora est un lieu connu à Hambourg. Pour l'anecdote, ne parlant pas un mot d'allemand et ne connaissant strictement rien à la ville, j'ai montré le bout de papier avec l'inscription du squat à une passante tout ce qu'il y a de plus « normale », c'est à dire qu'elle ne me semblait pas du tout issue de la mouvance contre-culturelle-squat-anarcho-punk-oï-oï. Sa réponse : « Aaaaah ! Rote Flora ? ». Et suivirent les indications, le tout dans la bonne humeur plutôt que le dédain. Ainsi, cette fleur rouge a poussé dans le quartier et a vraisemblablement fait des bouquets. Il faut dire qu'il ne s'agit pas d'un lieu fermé sur lui-même, comme le sont bon nombre de squats politiques. Au contraire, on pouvait y constater une diversité dans la composition des troupes, même si évidemment le côté pirate finit toujours par l'emporter...

Et bien voilà que le 7 juillet, le Rote Flora s'est fait attaquer par la Polizei. Les petits hommes verts n'aiment apparemment pas la prolifération d'activités dans et autour du centre. Il est à noter que ce cas semble faire parti d'une offensive européenne à l'encontre de tous les squats du Vieux-Continent, et notamment les « historiques », situés à Copenhague, Berlin, ou encore Barcelone. Malgré toutes les critiques que l'on peut faire au mouvement squat, notamment politiques, il faut faire une différence entre mouvement et squat. Si le mouvement est dans son ensemble sujet à controverse, le squat, lui, est une stratégie légitime que nous devons appuyer.

Solidarité avec le Rote Flora !

Plus d'infos là : http://www.squat.net/fr/news/hambourg150708.html

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