jeudi, juillet 10, 2008
FARC et attrapes
Bon, d'accord. Les FARC sont une armée comme une autre. Il y a le Grand Chef wanabee Che, et les apparitchiks de la jungle qui cherchent à recréer un Komintern en faisant Bogotà un Moscou sud-américain, et les guérilleros et guérilleras qui avaient le choix entre une rafale d'AK-47 ou se joindre au mouvement. Il y a le trafic de coke et les comptes bancaires aux îles Caïmans. Il y a aussi les bombes à bombones de gaz qui ont tués des civils par centaines. Même Pablo Escobar, dans sa ville de Medellin, était plus populaire chez les pauvres que les FARC. Alors oui, en exprimant un point de vue tout ce qu'il y a de plus anarchiste, on ne peut que vomir le projet et les pratiques des FARC.
Mais voilà, je ne sais pas vous, mais j'en ai plus qu'assez d'être témoint de l'adoration planétaire qui sévit actuellement envers, vous l'aurez deviné...Ingrid ! Depuis sa libération, ou tout du moins quelques temps auparavant, nous avons assisté à une espèce de mise en place d'un culte humaniste à saveur catho de celle qui ne fut finalement qu'une otage parmi tant d'autres. La presse et le pouvoir nous bascinent avec cette femme quasi-irréprochable, future Mère Térésa de la politique populiste, et à qui on cherche l'incarnation du conflit colombien.
C'est comme si avec la libération de Bétancourt se manifestait à la face du monde la problématique colombienne : il y a ceux et celles qui sont détenus, et ceux qui détiennent. Il y a les terroristes qui sont dans la jungle, et le gouvernement élu qui est en ville. Il y a les méchants aux longs coûteaux, et les gentils aux longs discours, ceux qui tuent et ceux qui sauvent. Reflet abrutissant de l'innarêtable logique de la guerre au terrorisme.
Ingrid, avant d'être Ingrid otage, est Ingrid tout court. Elle serait resté dans le commun des mortels si elle n'avait pas tenté sa chance en politique. Il faut cependant dire que le commun des mortels colombiens, quand il tente sa chance dans le champs politique, il n'a pas trop le choix. En fait, c'est plutôt difficile pour des pauvres et des paysans de se faire entendre dans le pays le plus réactionnaire d'Amérique du Sud. Pour y parvenir, faut-il déjà partir de haut...comme l'a fait Ingrid, fille de (très) bonne famille. Éduquée par un diplomarde, envoyée à Paris dans le très sélect Institut d'Études Politiques, ayant eu Dominique de Villepin (ancien premier ministre français) comme professeur, mariée à un bourgeois...il y a du cash sur la table ! Fervente catholique, elle invoque Dieu à toutes les sauces, se faisant même aider par les supers gauchistes du Vatican lors des démarches entreprises pour sa libération.
Bon, n'allons pas jusqu'à dire que sa mort dans la jungle n'aurait été qu'une anecdote circonstancielle. C'est quand même cool pour elle qu'elle ne soit pas fait buter par des paramilitaires, ou bien par les troupes colombiennes elles-mêmes. Faut-il encore préciser que pour les gens dont elle se targue d'être proche, la réalité est toute autre ? À sa libération, pas un mot sur les assassinats des communautés rurales et autochtones par les paramilitaires engagés bien souvent par le gouvernement lui-même. Pas un mot sur les exécutions de leaders syndicaux à Bogotà même. Rien, niet, que nenni sur les multiples cas de répression sanglante des mouvements sociaux colombiens par le même Uribe, celui qu'elle se plaît à féliciter, de même que le très progressiste Nicolas Sarkozy.
Il y a quand même anguille sous roche quand on se fait aider par le président le plus à droite du continent sud-américain, un des présidents les plus à droite du continent européen, la puissance impérialiste #1 à l'échelle du globe, une des institutions religieuses la plus réactionnaire, et aussi un État colonisateur et génocidaire (Israël, qui s'est mis à disposition de la Colombie en offrant du soutien technique en vue de l'opération qui a permis la libération de Bétancourt).
La réalité colombienne n'est pas la réalité d'Ingrid. Ce qu'on cherche à nous faire penser sur cette affaire est ni plus ni moins une tentative de servir les intérêts réactionnaires de la bourgeoisie locale, aidée en celà par l'impérialisme qui garde toujours un oeil grand ouvert sur ses voisins du sud. Il s'agit toujours et encore d'une société de classes où une majorité écrasante de la population est tiraillée entre un État policier et des factions armées qui se gagnent du pouvoir au bout du fusil. Et entre celà, il existe des mouvements sociaux et des communautés en lutte, rejettant aussi bien Uribe que les FARC. Voilà les vrais otages de la Colombie, ces millions de prolétaires et de paysans anonymes.
Rendons pour l'occasion encore hommage à l'anarchiste Nicolas Neira, exécuté par la police de Uribe lors du 1er mai 2005. Nous savons toujours que nous n'aurons jamais la même mémoire que les tyrans.
Aussi, il est à noter qu'il est surprenant de ne pas entendre, mais alors pas un mot, des 3 otages étasuniens libérés lors de la même mission. Pourtant, qui serait étonné de zapper sur CNN et de tomber sur des cérémonies patriotiques de haute voltige ? C'est pourtant une tradition américaine que d'exalter la gloire aux héros. Il n'y a même aucun réalisateur poche de Hollywood qui a déposé un scénario pour un remake. Non, il doit bien y avoir quelque chose qui cloche dans toute cette histoire.
Quand à Ingrid, s'il t'arrive de lire La Commune de temps en temps, s'il te plaît, si tu fais vraiment paraître un livre en septembre, change tout de la première à la dernière ligne. Tes remerciements aux chefs que tu veux remplacer, garde-les. Tu iras loger ailleurs, et sache que si les corbeaux, les vautours un de ces matins disparaissent, le soleil brillera toujours...
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1 commentaire:
Ça me rend totalement saturée! Pas vous autres?
C,est ce que je pensais, mais que jj'ai pas encore eu le temps de développer!
Merci PL!
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