mercredi, août 20, 2008
L'irraisonnable émeute
L’émeute est un début de débat. Cette explosion, qui en entraîne ou n’en entraîne pas d’autres, est le premier son, négatif, de la parole libre, l’exigence première de tout changement qualitatif.
– Observatoire de téléologie, 1990.
Alors que le corps du jeune Fredy Alberto Villanueva était à peine refroidi, policiers et journalistes solidaires se remuaient énergiquement dans la soue afin de modérer l’indignation collective. Il faut attendre…On ne sait pas ce qui s’est passé. L’enquête sur la mort du jeune homme sera faite selon les règles de l’art, rien à craindre : la police s’en charge… Le tout est entre bonnes mains.
La jeunesse de Montréal-Nord, elle, a décidé de ne pas attendre. De toute façon, une police c’est une police… Rien à foutre des témoignages préfabriqués et des enquêtes bidons. La procédure, c’est leur procédure, non ? La justice ? Pfff… Allons, un peu de sérieux. On la connaît un peu trop. Elle rapplique, quotidiennement, arrogante, méprisante et raciste, la «justice». On peut voir tes papiers ? Tu sais que t’as pas le droit d’être dans un parc après 11 heures ? Tu veux un ticket mon ti-neg ?
Pendant une nuit, la jeunesse du quartier a cessé d’espérer et de désespérer. Animée par la haine, la colère, la peur et la joie, elle a agi. Elle a détruit des voitures de police, des commerces, des automobiles. Elle s’est dressée devant les forces de l’ordre, de l’État, pour lui faire savoir que son seuil de résignation était atteint. L’instant d’un moment, elle a imposé sa propre volonté au lieu de subir celle, systématique et violente, du pouvoir. Face au conservatisme objectif de l’État, elle a opposé le bordel de sa propre subjectivité.
Loin de l’humiliation, du racisme, des taloches, des jobbines minables, des logements insalubres, des murs beiges et gris des écoles, de l’isolement, des règlements, des lois, des parents qui ne comprennent rien, des beaux discours blancs des politiciens, de la platitude du quotidien, du passé déjà trop lourd et de l’avenir déjà bouché: pour une fois, pendant à peine quelques heures, cette jeunesse s’est mise en scène. Elle a reconquis une mince parcelle de réalité… et y a foutu le feu.
Face à cette vive révolte, certains optent pour la manière forte. Ce sont des voyous, des meutes sauvages, de la racaille! Cessons de les victimiser : il faut plus de matraques, plus de contrôle ! Un décès par balle, semble-t-il, représente l’occasion rêvée de remettre en cause les pratiques «communautaires» des forces de l’ordre. D’ailleurs, ils vous le diront, les policiers sont trop petits et trop polis. Assez de bla-bla-bla communautaires. Il nous faut du muscle ! Il faut de la droiture ! D’autres, tout en condamnant les émeutiers, sont toutefois moins grossiers, moins rudimentaires. Ils cherchent, analysent, tentent de comprendre l’économique, le politique, le culturel. Si la répression est nécessaire, il faut que cesse le profilage racial. Il faut une enquête impartiale, des programmes, de l’argent. Il faut intégrer ces jeunes à la «bonne» société, leur trouver une place, les faire travailler afin qu’ils se sentent «utiles».
Face à ces événements, alors, une seule réponse, triste, poussiéreuse et glauque, par laquelle aucune transformation essentielle ne pourra advenir. C’est la trajectoire de la carotte ou celle du bâton, deux chemins escortant la tapageuse jeunesse vers l’unique et ennuyeuse destination de la citoyenneté tranquille, de l’aliénation du travail et de l’obéissance.
M.A.C.
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1 commentaire:
Nous sommes ici / Nous sommes partout / Nous sommes une image du futur
* http://www.youtube.com/watch?v=oZgTekSb-0I
* http://www.boston.com/bigpicture/2008/12/2008_greek_riots.html
* http://emeutes.wordpress.com/
* http://www.non-fides.fr/spip.php?article132
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DECLARATION DE L’ASSEMBLEE GENERALE DES TRAVAILLEURS INSURGES D'ATHENES
Depuis le bâtiment libéré de la GSEE - mercredi 17 décembre 2008
Nous déterminerons notre histoire nous-mêmes ou nous la laisserons être déterminée sans nous.
Nous, travailleurs manuels, employés, chômeurs , intérimaires et
précaires, natifs d'ici ou immigrés, ne sommes pas des téléspectateurs
passifs. Depuis le meurtre d’Alexandros Grigoropoulos samedi soir,
nous participons aux manifestations, aux affrontements avec la police,
aux occupations du centre ville comme des alentours. Nous avons
maintes et maintes fois dû abandonner le travail et nos obligations
quotidiennes pour prendre les rues avec les lycéens, les étudiants et les
autres prolétaires dans cette lutte.
NOUS AVONS DECIDE D’OCCUPER LE BATIMENT DE LA CONFEDERATON GENERALE DES TRAVAILLEURS EN GRECE (GSEE)
Pour le transformer en un espace de libre expression et un point de rendez-vous pour les travailleurs,
Pour dissiper les mythes encouragés par les médias sur l’absence
de travailleurs dans les affrontements, mythes selon lesquels la rage de ces derniers jours
ne serait que l’œuvre de quelques 500 « cagoulés » (koukoyloforon),
«hooligans », ou autres histoires farfelues, alors que dans les
journaux télévisés les travailleurs sont présentés comme des victimes
de ces affrontements, et alors que la crise capitaliste en Grèce et
dans le monde mène à d'innombrables licenciements que les médias et
leurs dirigeants considèrent comme un « phénomène naturel ».
Pour démasquer le rôle honteux de la bureaucratie syndicale dans le
travail de sape contre l’insurrection, mais aussi son rôle honteux
en général. La Confédération Générale des Travailleurs en Grèce (GSEE)
et toute l’intégralité de la machinerie syndicale qui la soutient
depuis des dizaines et des dizaines d’années, sape les luttes, négocie
notre force de travail contre des miettes, perpétue le système
d’exploitation et d’esclavage salarié. L’attitude de la GSEE mercredi
dernier parle d’elle même : la GSEE a annulé la manifestation des
grévistes pourtant programmée, se rabattant précipitamment sur un bref
rassemblement place Syntagma, tout en s’assurant simultanément
que les participants se disperseraient très vite, de peur que le
le virus de l’insurrection ne les infecte.
Pour ouvrir cet espace pour la première fois, comme une
continuation de l’ouverture sociale créée par l’insurrection elle-même,
espace qui a été construit avec notre contribution mais dont nous avons
été jusqu’ici exclus. Pendant toute ces années nous avons confié notre
destin à des sauveurs de toute nature et avons fini par perdre
notre dignité. Comme travailleurs, nous devons commencer à assumer nos
responsabilités et cesser de faire reposer nos espoirs en des
leaders « sages » ou en des représentants « compétents ». Nous devons
commencer à parler de notre propre voix, nous rencontrer, discuter,
décider et agir par nous même contre les attaques généralisées que
nous endurons. La création de collectifs de résistance « de base » est
la seule solution.
Pour propager l’idée de l’auto-organisation et de la solidarité sur
les lieux de travail, de la méthode des comités de lutte et des
collectifs de base, et abolir les bureaucraties syndicales.
Pendant toutes ces années nous avons gobé la misère, la résignation et
la violence au travail. Nous nous sommes habitués à compter nos blessés
et nos morts - les soit disant « accidents du travail ». Nous nous
sommes habitués à ignorer que les immigrés - nos frères de classe -
étaient tués. Nous sommes fatigués de vivre avec l’anxiété de devoir
assurer notre salaire, de pouvoir payer nos impôts et de se garantir
une retraite qui ressemble maintenant à un rêve lointain.
De même que nous luttons pour ne pas abandonner nos vies dans les
mains des patrons et des représentants syndicaux, de même nous
n’abandonnerons pas dans les mains de l’Etat et de ses mécanismes
juridiques les insurgés arrêtés .
LIBERATION IMMEDIATE DES DETENUS
RETRAIT DES CHARGES CONTRE LES INTERPELLES
AUTO-ORGANISATION DES TRAVAILLEURS
GREVE GENERALE
ASSEMBLEE GENERALE DES TRAVAILLEURS DANS LES BATIMENTS LIBERES DE LA GSEE Mercredi 17 décembre à 18 heures
L’assemblée générale des travailleurs insurgés
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http://athens.indymedia.org/front.php3?lang=el&article_id=948843
17 DECEMBRE 2008
A PROPOS DE L'INTERRUPTION, PAR DES PROTESTATAIRES, DE LA DIFFUSION DE LA CHAINE NATIONALE GRECQUE LE 16 DEC 2008 A 15H10
Notre action est une réponse aux pressions accumulées qui ravagent nos vies, et pas simplement un enflammement sentimental lié au meutre de Alexandros Grigoropoulos par la police grecque.
Nous ne sommes qu'une des organisations spontanées qui participent à la révolte sociale en cours.
En un geste symbolique pour éviter que les médias ne nous subjuguent, nous les citoyens civils, nous interrompons la diffusion de la chaîne nationale grecque (NET). Nous pensons que les médias cultivent systématiquement un climat de peur, nous vendent de la désinformation pour de l'information, et dépeignent un soulèvement aux multiples facettes comme une flambée de violence inconsidérée.
L'explosion de troubles civils est expliquée en termes criminels plutôt que politiques. Sélectivement, des évènements cruciaux sont balayés sous le tapis. Le soulèvement est servi comme un divertissement, quelque chose à regarder avant qu'un autre feuilleton n'arrive. Les médias servent à supprimer toute pensée libre et originale dans notre vie quotidienne.
Organisons-nous nous-mêmes. Aucune autorité n'apportera de solution à nos problèmes. Rassemblons-nous et organisons nos espaces publics -rues, squares, parcs et écoles- en zones de libre expression et de communication. Rassemblons-nous, face à face, côté à côte, pour exprimer notre cause et le cours de notre action en une chose commune.
Surmontons notre peur, éteignons nos télés, sortons de nos maisons, continuons à faire valoir nos droits, et prenons nos vies en main.
Nous condamnons la violence policière et appelons à la libération immédiate de tous les protestataires emprisonnés.
Nous sommes pour l'émancipation, la dignité humaine et la liberté.
http://www.youtube.com/watch?v=xeWKwQ4iHsE
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Lettre ouverte des travailleurs d’Athènes à ses étudiants, dans le contexte des bouleversements sociaux qui ont suivi l’assassinat policier d’un jeune garçon.
17 decembre 2008
Notre différence d’âge et l’éloignement rendent difficile la discussion dans la rue; c’est pourquoi nous vous envoyons cette lettre.
La plupart d’entre nous ne sont pas (pour l’instant) devenus chauves ou bedonnants. Nous avons fait partie du mouvement de 1990-1991, dont vous avez dû entendre parler. A l’époque et alors que nous occupions nos écoles depuis 30/35 jours, les fascistes tuèrent un enseignant parce qu’il avait outrepassé son rôle (qui est d’être un gardien) et qu’il avait rejoint le mouvement adverse; il nous avait rejoint dans notre combat. Alors même les plus forts d’entre nous rejoignèrent la rue et ses émeutes. Pourtant, à l’époque, nous n’envisagions même pas ce que vous faites si facilement aujourd’hui : attaquer les commissariats (bien que nous chantions : “Brûlons les commissariats !”…).
Vous avez donc été plus loin que nous, comme il arrive toujours au cours de l’histoire. Bien sûr, les conditions sont différentes. Dans les années 90, ils nous firent miroiter des perspectives de succès personnel et certains d’entre nous y crûrent. Maintenant plus personne ne peut croire leurs contes de fées. Vos grands frères nous l’ont prouvé durant le mouvement étudiant 2006/2007; à votre tour, vous leur rédégueulez en pleine face leurs contes de fées.
Jusqu’ici tout va bien.
Maintenant les questions intéressantes mais difficiles vont apparaître.
Nous allons vous dire ce que nous avons appris de nos combats et de nos défaites (parce qu’aussi longtemps que ce monde ne sera pas le nôtre, nous serons toujours les vaincus) et vous pourrez vous servir comme vous le souhaitez de ce que nous avons appris :
Ne restez pas seuls; faites appel à nous ; contactez autant de personnes que possible. Nous ne savons pas comment vous pouvez le faire, mais vous y arriverez certainement. Vous avez déjà occupé vos écoles et vous nous dites que la raison la plus importante est que vous n’aimez pas vos écoles. Impeccable. Maintenant que vous les occupez, changez leur rôle. Partagez vos occupations de bâtiments avec d’autres personnes. Faites que vos écoles soient les premiers bâtiments à accueillir de nouvelles relations. Leur arme la plus puissante est de nous diviser. De la même façon que vous n’avez pas peur d’attaquer leurs commissariats parce que vous êtes ensemble, n’ayez pas peur de nous appeler pour que nous changions nos vies tous ensemble.
N’écoutez aucune organisation politique (qu’elle soit arnachiste ou n’importe quoi d’autre) Faites ce que vous avez besoin de faire. Faites confiance aux gens, pas aux idées et aux schémas abstraits. Ayez confiance en vos relations directes avec les gens. Ne les écoutez pas quand ils vous disent que votre combat n’a pas de contenu politique et qu’il devrait en avoir un. Votre combat est le contenu. Vous n’avez que votre combat et il ne tient qu’à vous seuls de conserver son avance. C’est seulement votre combat qui peut changer votre vie, à savoir vous-même et vos vraies relations avec vos camarades.
N’ayez pas peur de la nouveauté. Chacun de nous en vieillissant a des idées gravées dans le cerveau. Vous aussi, bien que vous soyez jeunes. N’oubliez pas l’importance de cela. En 1991, nous avons senti l’odeur du nouveau monde et ne l’avons pas trouvé très agréable. On nous apprenait qu’il y a des limites à ne pas dépasser. N’ayant pas peur des destructions d’infrastructures. N’ayant pas peur des vols dans les supermarchés. Nous avons produit tout cela, c’est à nous. Comme nous dans le passé, vous avez été élevés pour produire des choses qui ensuite ne vous appartiennent plus. Reprenons tout cela et partageons-le. Comme nous partageons nos amis et notre amour parmi nous.
Nous nous excusons d’écrire cette lettre rapidement, mais nous l’avons écrite sur notre lieu de travail, à l’insu de notre patron. Nous sommes prisonniers du travail comme vous l’êtes de l’école.
Nous allons maintenant mentir à notre patron et quitter notre boulot sous un faux prétexte, pour vous rejoindre à Syntagma, les pierres à la main.
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(Le texte suivant a été distribué mardi dernier aux étudiants encerclant le siège de la police, par des gens de l’Association des Immigrés Albanais.)
16 DECEMBRE 2008
Ces jours sont les nôtres, aussi.
Après l’assassinat d’Alexis Grigoropoulos, nous avons connu un état d’agitation sans précédent, une explosion de colère qui semble infinie. Il semble que ce soient les étudiants qui ont été à l’origine de ce soulèvement, qui avec une passion inépuisable et une chaleureuse spontanéité ont renversé la situation dans son ensemble. Vous ne pouvez pas arrêter quelque chose que vous ne contrôlez pas, quelque chose qui s’organise spontanément et dans des conditions que vous ne comprenez pas. C’est la beauté du soulèvement. Les élèves du secondaire font l’histoire et laissent à d’autres le soin de l’écrire et de la classer idéologiquement. Les rues, les objectifs, la passion leur appartiennent.
Dans le cadre de cette mobilisation élargie, derrière les manifestations étudiantes à l’avant-garde, il y a une participation massive de la deuxième génération d’immigrés et également de nombreux réfugiés. Les réfugiés viennent à la rue en petit nombre, avec peu d’organisation, mais de la spontanéité et de l’impétuosité. À l’heure actuelle, ils sont les plus actifs parmi les étrangers vivant en Grèce. Quoi qu’il en soit, ils ont très peu à perdre.
Les enfants d’immigrés se mobilisent en masse et dynamiquement, principalement au travers des actions de l’école secondaire et de l’université ainsi que via les organismes de gauche et d’extrême gauche. Ils sont la partie la mieux intégrée de la communauté immigrée, sa partie la plus courageuse. Ils sont différents de leurs parents, qui sont arrivés ici la tête basse, comme s’ils mendiaient un morceau de pain. Ils font partie de la société grecque, puisqu’ils n’ont jamais vécu ailleurs. Ils ne mendient rien, ils demandent l’égalité avec leurs camarades grecs. Égaux en droits, dans la rue, dans leurs rêves.
Pour nous, les immigrés organisés politiquement, il s’agit d’un second Novembre 2005 Français. Nous n’avons jamais eu l’illusion que lorsque les peuples se soulèveraient de rage, nous serions en mesure de les diriger d’aucune manière. Malgré les luttes que nous avons menées toutes ces années, nous n’avons jamais réussi à atteindre un tel niveau de réponse que celui d’aujourd’hui. Maintenant il est temps à la rue de parler: Le cri assourdissant que nous entendons est pour les 18 ans de violence, de répression, d’exploitation et d’humiliation. Ces jours sont les nôtres, aussi.
Ces journées sont pour les centaines d’immigrés et de réfugiés qui ont été assassinés aux frontières, dans les commissariats de police et sur les lieux de travail. Ils sont pour tous ceux qui ont été assassinés par les flics et les milices. Ils sont pour tous ceux qui ont été assassinés pour avoir osé franchir la frontière et travailler jusqu’à la mort, pour n’avoir pas baissé la tête, ou pour rien. Ils sont pour GRAMOZ PALOUSI, LOUAN MPERNTELIMA, ENTISON GIAXAI, TONI ONOUXA, AMNPTOURAKIM INTRIZ, MONTASER MOXAMENT ASTRAF et tant d’autres que nous n’avons pas oubliés.
Ces jours sont pour la violence policière quotidienne qui reste impunie et sans réponse. Ils sont pour les humiliations à la frontière et aux centres de détention d’immigrés, humiliations qui continuent à ce jour. Ils sont pour l’injustice criante des tribunaux grecs, pour les immigrés et les réfugiés injustement en prison, pour la justice nous est refusée. Même aujourd’hui, dans ces jours et ces nuits de révolte, les immigrés paient un lourd tribu aux attaques de l’extrême-droite et des flics, avec des peines d’emprisonnement et d’expulsion que les tribunaux distribuent avec un amour chrétien aux infidèles que nous sommes.
Ces jours sont pour l’exploitation continue et sans relâche depuis 18 ans maintenant. Ils sont pour les luttes qui n’ont pas été oubliées: dans les faubourgs de Volos, les travaux olympiques, la ville d’Amaliada. Ils sont pour la peine et le sang de nos parents, pour le travail non déclaré, pour les horaires de travail interminables. Ils sont pour les transferts financiers et les frais d’envoi, les contributions que nous versons à la communauté et qui ne sont jamais reconnues. Ils sont pour les papiers d’identité que nous chercherons pendant le reste de notre vie, tel un billet de loterie gagnant.
Ces jours sont pour le prix que nous devons payer pour simplement exister et respirer. Ils sont pour tous les moments où nous avons serré les dents face aux insultes, face aux reniements quotidiens. Ils sont pour tous les moments où nous n’avons pas réagi quand bien même nous avions les meilleurs raisons au monde de le faire. Ils sont pour toutes les fois où nous avons réagi et où nous nous sommes retrouvés seuls parce que nos morts et notre rage ne correspondaient pas aux formes existantes admises, n’apportaient pas de votes, n’étaient pas vendeurs au prime time de l’actualité.
Ces jours-ci appartiennent à tous les marginaux, aux exclus, aux personnes affligées de noms difficilement prononçables et d’histoires incompréhensibles. Ils appartiennent à tous ceux qui meurent chaque jour dans la mer Egée et le fleuve Evros, à tous ceux assassinés à la frontière ou dans une rue du coeur d’Athènes. Ils appartiennent à la communauté rom de Zefyri, aux toxicomanes d’Eksarhia. Ces jours-ci appartiennent aux enfants de la rue Mesollogiou , aux non intégrés, aux étudiants incontrôlable. Grâce à Alexis, ces jours-ci nous appartiennent à tous.
18 ans de rage silencieuse, c’est trop.
A nos rues, pour la solidarité et la dignité!
Nous n’avons pas oublié, nous n’oublierons pas - Ces jours-ci sont les vôtres aussi
Luan, Tony, Mohamed, Alexis …
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Alignés au mur, fils de pute ! Nous sommes arrivés pour prendre ce qui nous appartient…
14 décembre 2008 - Initiative du Comité d’Occupation de l’Ecole Athénienne d’Economie et d’Affaires
En ces jours de rage, le spectacle comme une relation de puissance, une relation qui imprime son souvenir sur les objets et les corps, est confronté à un diffus contre-pouvoir qui déterritorialise le vécu, lui permettant de s’éloigner de la tyrannie de l’image pour s’aventurer dans le domaine des sens. Les sens ont toujours été perçus comme antagonistes (ils réagissent toujours contre quelque chose), mais dans les conditions actuelles, ils se dirigent vers une polarisation de plus en plus aiguë et radicale.
Des caricatures soi-disant pacifiques des médias bourgeois ( “la violence est toujours inacceptable, partout dans le monde”), nous ne pouvons que nous gausser : leur loi, leur loi d’esprit obéissant et consentant, de dialogue et d’harmonie ne sont rien d’autre qu’un bestial plaisir bien calculé : un carnage garanti. Le régime démocratique sous son verni pacifique ne tue pas un Alex chaque jour, précisément parce qu’il tue des milliers de Ahmets, Fatimas, JorJes, Jin Tiaos et Benajirs: parce qu’il assassine systématiquement, structurellement et sans remords l’ensemble du tiers monde, qui est le prolétariat mondial. C’est de cette façon, à cause de ce quotidien massacre à froid, qu’est née l’idée de liberté : la liberté non pas comme un prétendu bienfait humain, ni comme un droit naturel pour tous, mais comme le cri de guerre des damnés, comme le principe de la guerre.
La classe bourgeoise et son histoire officielle nous lavent le cerveau avec la légende d’un progrès graduel et stable de l’humanité au sein duquel la violence n’est qu’une désolante exception découlant d’un sous-développement économique, culturel et émotionnel. Pourtant, nous tous qui avons été écrasés entre les pupitres d’école, derrière les bureaux, les usines, ne savons que trop bien que l’histoire n’est rien d’autre qu’une succession d’actes bestiaux reposant sur un système de règles mortifères. Les gardiens de la normalité déplorent que la loi ait été violée par la balle du revolver de Korkoneas le Porc (le flic tueur). Mais qui ne sait pas que la vigueur de la loi est simplement la force de la puissance ? Que c’est la loi elle-même qui permet le recours à la violence contre la violence? La loi est vide de bout en bout, elle n’a aucun sens, ni aucun autre but que celui de déguiser la force du pouvoir.
Dans le même temps, la dialectique de la gauche tente de codifier le conflit, la bataille et la guerre, avec la logique de la synthèse des contraires. De cette manière, il construit un ordre, un état pacifié au sein duquel tout a sa propre petite place. Pourtant, le destin du conflit n’est pas la synthèse - comme le destin de la guerre n’est pas la paix. L’insurrection sociale contient la condensation et l’explosion de milliers de négations, pourtant elle ne contient en aucune de ses sous-parties, ni en aucun de ses moments, sa propre négation, sa propre fin. C’est toujours avec une certitude lourde et sombre qu’arrivent les institutions de médiation et de normalisation, de la gauche promettant le droit de vote dès 16 ans, le désarmement mais le maintien des porcs, l’État-providence, etc. En d’autres termes, en voilà qui souhaitent tirer un gain politique de nos blessures. La douceur de leur compromis suinte le sang.
Ceux qui sont contre la violence sociale ne peuvent pas être tenus pour responsables de ce qu’ils n’assument pas: ils sont destructeurs de bout en bout. Si les luttes contemporaines ont quelque chose à nous apprendre, ce n’est pas leur triste consensus sur un objet (la classe, le parti, le groupe), mais leur processus systématiquement anti-dialectique: pour eux, l’acte de destruction ne contient pas nécessairement une partie créative. En d’autres termes, la destruction de l’ancien monde et la création d’un nouveau monde sont pour eux deux processus discrets mais continus. Pour nous, la question est plutôt quelles méthodes de destruction de l’existant peuvent être développées en différents lieux et moments de l’insurrection ?
Quelles méthodes peuvent non seulement maintenir le niveau et l’ampleur de l’insurrection, mais contribuer à son amélioration qualitative ? Les attaques de commissariats, les affrontements et les barrages routiers, les barricades et les batailles de rue, sont maintenant un phénomène social quotidien dans les villes et au-delà. Et ils ont contribué à une déréglementation partielle du cycle de production et de consommation. Et pourtant, ils ne sont qu’une attaque partielle de l’ennemi; il est évident que nous restons piégés dans une seule et unique dimension de l’attaque contre les relations sociales dominantes. Car le processus de production et de circulation des marchandises en lui-même, autrement dit le capital comme relation, n’est qu’indirectement touché par les mobilisations. Un spectre plane sur la ville embrasée : celui de la grève générale sauvage à durée indéterminée.
La crise capitaliste mondiale a ôté aux patrons leur réponse la plus énergique et la plus mensongère à l’insurrection: «Nous vous offrons tout et pour toujours, alors que tout ce qu’eux peuvent vous offrir n’est qu’un présent incertain”. Avec ses entreprises qui s’effondrent les unes après les autres, le capitalisme et son Etat ne sont plus en mesure d’offrir quoi que ce soit d’autre qu’un lendemain pire de jour en jour, une situation financière asphyxiante, des licenciements, la suspension des pensions de retraite, des coupes dans les budgets sociaux, la fin de la gratuité de l’enseignement. Au contraire, en seulement sept jours, les insurgés ont prouvé par la pratique ce qu’ils peuvent faire: transformer la ville en un champ de bataille, créer des enclaves de communes dans l’ensemble du tissu urbain, abandonner l’individualité et sa sécurité pathétique, rechercher la formation de leur force collective et la destruction totale de ce système meurtrier.
À ce moment historique de la crise, moment de rage et de rejet des institutions auquel nous sommes finalement parvenus, la seule chose qui peut transformer le système de déréglementation en une révolution sociale est le rejet total du travail. Quand les combats se dérouleront dans des rues assombries par la grève de la compagnie d’électricité, lorsque les affrontements auront lieu au milieu de tonnes de déchets non collectés, lorsque les tramways seront abandonnés au milieu des rues, bloquant les flics, lorsque l’enseignant en grève allumera le cocktail molotov de son élève révolté, nous serons enfin en mesure de dire: Camarade, “les jours de cette société sont comptés ; ses raisons et ses mérites ont été pesés, et trouvés légers”. Aujourd’hui, cela n’est plus un simple fantasme, mais une possibilité réelle dans la main de chacun : la possibilité d’agir concrètement sur le concret. La possibilité d’apercevoir les cieux.
Si tout cela, à savoir l’extension du conflit dans la sphère de la production-distribution, avec ses sabotages et ses grèves sauvages, semble prématuré, ce ne serait que parce que nous n’avons pas réalisé à quelle vitesse le pouvoir se décompose, à quelle vitesse les méthodes de confrontation et les formes de contre-povoir se diffusent socialement : des lycéens qui caillassent les commissariats aux employés municipaux et aux voisins qui occupent les mairies. La révolution ne se fait pas par la croyance et la foi en des conditions historiques à venir. Elle se fait en saisissant n’importe quelle occasion d’insurrection dans chaque aspect de la vie sociale, en transformant notre animosité envers les flics en une grève définitive aux pieds de ce système.
Dehors les porcs!
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“Nous n’oublions pas, nous ne pardonnons pas” – journée d’action internationale contre les meurtres d’État le 20 décembre 2008.
13 decembre 2008
Aujourd’hui (vendredi) l’assemblée de la Polytechnique occupée d’Athène a décidé de faire un appel pour des actions de résistance en mémoire de toute la jeunesse assassinée, des migrants et de tous ceux qui doivent combattre contre les laquais de l’État en Europe et dans le monde. Nous pensons à Carlo Giuliani, aux jeunes des banlieues françaises, à Alexandros Grigopoulos et à d’autres qui sont innombrables sur toute la planète. Nos vies n’appartiennent pas aux états et à leurs assassins ! La mémoire de nos frères et soeurs, amis et camarades assassinés reste vive grâce à nos luttes ! Nous n’oublions pas nos frères et nos soeurs, nous ne pardonnons pas leurs meurtriers. S’il vous plaît traduisez et faites passer ce message pour une journée commune d’actions coordonnées de résistance dans le plus grand nombre d’endroits possibles !
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Nous sommes ici / Nous sommes partout / Nous sommes une image du futur
13 decembre 2008
Si je ne brûle pas
Si tu ne brûles pas
Si nous ne brûlons pas
Comment les ténèbres viendront à la lumière ?
(Nazim Hikmet, “Kerem Gibi”)
C’est en serrant les dents de peur que les chiens grognent : Retour à la normalité – le festin est terminé ! Les philologues de l’assimilation ont déjà commencé à affûter leurs caresses les plus tranchantes : “Nous sommes prêts à oublier, à comprendre, à excuser la promiscuité des derniers jours, mais maintenant tenez vous bien ou alors nous emmèneront nos sociologues, nos anthropologues, nos psychiatres ! Comme de bons pères nous avons toléré avec retenue vos éruptions émotionnelles – maintenant regardez comment les comptoirs, les bureaux et les magasins sont vides ! Le temps est venu d’en revenir, et qui que ce soit qui refuse cette tâche sacrée sera durement frappé, sociologisé, psychiatrisé. Une injonction plane sur la ville : “Es-tu à ton poste ?” La démocratie, l’harmonie sociale, l’unité nationale et tous les autres grands coeurs puant la mort ont déjà tendus leurs bras morbides.
Le pouvoir (depuis le gouvernement jusqu’à la famille) vise non seulement à réprimer la généralisation de l’insurrection, mais à produire une relation d’assujettissement. Une relation qui définit la vie politique comme une sphère de coopération, de compromis et de consensus. “La politique à suivre est une politique du consensus; le reste nous mènerait à la guerre, aux émeutes et au chaos”. La vraie traduction de ce qu’ils nous disent, de l’effort qu’ils mettent à nier le cœur de notre action, à nous séparer et à nous isoler de ce que nous pouvons faire : non pas d’unir les deux dans l’un, mais bien de rompre sans cesse l’un en deux. Leurs appels répétés à l’harmonie, à la paix et à la tranquillité, à la loi et à l’ordre, nous demandent de développer une dialectique. Leurs vieux trucs sont désespérément transparents et leur misère est visible dans les gros ventres des patrons syndicaux, dans les yeux délavés des intermédiaires qui sont comme ceux des charognards qui tournent autour des conflits pour manger le cadavre de toutes passions pour le réel. Nous les avons vu en Mai, nous les avons vu à Los Angeles et à Brixton, et nous les voyons faire lorsqu’ils grugent les os de la Polytechnique en 1973. Nous les avons encore vu hier lorsque, plutôt que d’appeler à une grève générale permanente, ils se sont mis à genoux devant la légalité en annulant la manifestation de grévistes. Ils savent très bien que la route pour la généralisation d’une insurrection passe par le champ de la production – à travers l’occupation des moyens de production de ce monde qui nous écrase.
Demain est encore un jour où rien n’est certain. Et qu’est-ce qui pourrait être plus libérateur que cela après tellement de longues années de certitude ? Une balle a été capable d’interrompre la séquence brutale de tous ces jours identiques. L’assassinat d’un garçon de 15 ans a été le moment d’un déplacement suffisamment fort pour renverser le monde. Et ce qui semblait si difficile s’est avéré être si simple.
C’est ce qui est arrivé, c’est tout ce que nous avons. Si quelque chose nous fait peur c’est bien de revenir à la normalité. Parce que dans la destruction et le pillage des rues de nos villes de lumières nous ne voyons pas seulement les résultats de notre rage, mais aussi la possibilité de commencer à vivre. Nous n’avons plus rien d’autre à faire que de nous installer dans cette possibilité pour la transformer dans une expérience vécue : en nous basant sur le plan de la vie quotidienne, notre créativité, notre pouvoir de matérialiser nos désirs, notre pouvoir non pas de contempler mais de construire le réel. Ceci est notre espace vital. Tout le reste est mort.
Ceux qui veulent comprendre comprendront. Il est maintenant temps de briser les chaînes invisibles qui nous maintenait tous et chacun dans notre petite vie pathétique. Cela ne demande pas seulement ou nécessairement d’attaquer une station de police ou de brûler des commerces ou des banques. Le temps où quelqu’un s’extirpe de son sommeil et de la contemplation passive de sa vie, de sortir dans la rue pour parler et écouter, en laissant derrière lui ou elle tout ce qui est privé, suppose au plan de la sphère sociale la force déstabilisante d’une bombe nucléaire. Notre séparation alimente le monde capitaliste. Voilà le dilemme : avec les insurgés ou bien seuls, chacun de notre côté. Et c’est maintenant l’un des très rares moments où un tel dilemme peut prendre corps de manière si absolue et si réelle.
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“Nous sommes dans une guerre civile: Contre les fascistes, les banquiers, l’état et les médias qui veulent une société obéissante”
12 decembre 2008
Si vous croyez que la citation qui apparait dans le titre de cet article était prononcé par des anarchistes, hé bien, vous vous trompez. C’est un extrait de la déclaration publiée par l’association des employéEs de la banlieue d’Agios Dimitrios à Athènes. Voici une traduction rapide de la déclaration, tel que promis. Sachez que, selon quelques camarades membres de l’association, ils ont tenté de maintenir la forme du texte aussi sobre que possible dans le but d’inspirer autant de gens que possible de descendre dans les rues avec eux.
LA DÉCLARATION
Samedi dernier, la police grecque a assassiné un étudiant de 15 ans.
Son assassinat était la goutte qui a fait déborder le vase.
C’était le prolongement d’une action coordonnée par l’état terroriste et l’Aube Dorée qui vise les étudiantEs de niveau universitaire et secondaire, les migrantEs qui sont persécutéEs pour avoir été néEs avec la “mauvaise” couleur de peau et les employéEs qui se tuent au boulot sans aucune compensation.
Les dissimulations du gouvernement, ayant brûlé les forêts l’été dernier, est maintenant responsable pour les feux qui brûle dans les grandes villes. Le gouvernement protège les criminels financier, tous ceux impliqués dans le scandale des interceptions téléphoniques d’appareils portables, les pilleurs des fonds d’assurances ouvrières, ceux qui sont responsable des enlèvements de migrantEs et ceux qui protègent les banques et monastères qui volent les biens du peuple.
Nous sommes dans une guerre civile: Contre les fascistes, les banquiers, l’état et les médias qui veulent une société obéissante.
Il n’y a pas d’excuses possible mais ils tentent encore une fois de se servir de théories de conspiration pour calmer les gens.
Il fallait exprimer cette rage grandissante et ceci ne doit pas prendre fin.
La couverture médiatique est mondiale. Il était temps que le peuple se soulève.
La génération des pauvres, des sans-emploi, des employéEs précaires, des sans-abris, des migrantEs et des jeunes est la génération qui va casser toutes les vitrines et qui réveillera de leur sommeil, rempli de ce rêve américain éphémère, les citoyenNEs obéissantEs .
Ne suivez pas les nouvelles. La conscientisation est née dans la rue.
Lorsque la jeunesse est assassinée, les aînéEs ne doivent pas demeurer endormis.
Au revoir Alexandros, que ton sang soit le dernier sang innocent à couler.
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