vendredi, janvier 25, 2008
Aujourd’hui comme hier : nous rejetons votre guerre !
C’est en grande pompe que la ville de Québec célèbre en 2008 le 400e anniversaire de sa fondation. Nous avons déjà souligné le faste avec lequel les élites entendent souligner cet événement (1). Mais au delà des millions dilapidés aux quatre vents, la fête prend une dimension politique. Dans leur programmation, les organisateurs passent évidemment sous silence les 400 ans de colonialisme et de génocide des peuples autochtones qui occupaient ce territoire bien avant Samuel de Champlain. Et bien entendu, on oublie également de parler des luttes menées par la population de Québec contre la domination et l’exploitation.
L’une d’entre elle mérite pourtant d’être soulignée : la résistance contre la conscription de 1918. Le Canada est alors plongé dans la Première Guerre mondiale. Le gouvernement a envoyé plus de 400 000 hommes sur les champs de batailles. Parmi eux, 60 000 meurent au combat. La propagande militaire canadienne frappe toutefois un mur, notamment au Québec. Les francophones, dans leur immense majorité, rejettent l’enrôlement obligatoire et refusent de défendre l’empire britannique au prix de milliers de vies humaines. Les socialistes proposent la conscription des richesses et font campagne en faveur de la grève générale pour y arriver. À l’occasion, la colère populaire s’exprime avec violence, créant un climat de tension particulièrement intense aux quatre coins de la province. À Montréal, en 1917, des « dynamiteros » font sauter la résidence d’un farouche partisan de la conscription tandis qu’à travers le Québec, des manifestations anti-impérialistes ponctuent les dernières années de la guerre.
Du 28 mars au 1er avril 1918, la ville de Québec est secouée par de violentes émeutes qui opposent pendant cinq jours et quatre nuits plusieurs milliers d’anti-conscriptionistes aux autorités civiles, religieuses et militaires. Suite à l’arrestation par la police fédérale d’un jeune homme dispensé du service militaire, Joseph Mercier, des manifestants attaquent le poste de police de la Place Jacques-Cartier, dans le quartier Saint-Roch. Le lendemain, les émeutiers investissent les bureaux d’inscription militaire situés à la Place Montcalm (aujourd’hui le Carré d’Youville) et brûlent les documents qu’ils trouvent sur place. Deux journaux appuyant la conscription (l’Événement et le Chronicle) sont également attaqués par la foule venue en masse des quartiers ouvriers de la Basse-Ville. Malgré l’arrivée de centaines de soldats venus de l’Ontario, la population n’en démord pas, préférant s’armer pour faire face aux charges des militaires.
C’est le plus haut gradé francophone de l’armée canadienne, le Major-Général François-Louis Lessard, qui prend maintenant le contrôle des opérations pour rétablir « la loi et l’ordre ». Comme l’explique l’historien Jean Provencher, « cet officier s’y connaît en matière de rébellion ou de soulèvement. On le retrouve à Québec, en juin 1878, alors que l’armée intervient contre des ouvriers grévistes qui “s’adonnent à la violence et au pillage” (2). Il sera décoré pour sa participation à l’intervention armée contre les Métis en 1885. Il dirigera le régiment des Royal Canadian Dragoons en Afrique du Sud, en 1900 et 1901. Il se retrouve maintenant à Québec dans des circonstances quelque peu identiques » (3).
C’est à grand renfort de mitrailleuses que se réglera le soulèvement populaire. Au coin des rues Saint-Vallier et Saint-Joseph, l’armée tire sur la foule, faisant quatre morts. On compte parmi eux trois ouvriers (Honoré Bergeron, Alexandre Bussières, Georges Demeule, qui est âgé d’à peine 15 ans) et un étudiant (Joseph-Édouard Tremblay). Tous habitent le quartier Saint-Sauveur. Au total, plus de 75 personnes sont blessées pendant les troubles, dont plusieurs par balles. Leur nombre exact reste incertain, la plupart évitant de se rendre à l’hôpital où les militaires procèdent à des arrestations. Plus de 2000 soldats prirent part à la contre-insurrection, faisant de cette opération militaire l’une des trois plus importantes sur le sol québécois avec les événements d’octobre 1970 et la crise d’Oka en 1990.
Aujourd’hui, 90 ans plus tard, le Canada est de nouveau en guerre aux côtés des puissances occidentales. Les motifs ne sont guère différents : une fois de plus, il s’agit d’une guerre impérialiste menée au nom de la démocratie et de la liberté. Mais, hier comme aujourd’hui, les peuples ne sont pas dupes. Malgré la propagande incessante, une majorité de la population québécoise s’oppose à la guerre. Si la conscription n’est pas à l’ordre du jour, l’armée redouble d’effort pour recruter les jeunes des milieux populaires et les envoyer mourir au front. Malgré les protestations, le gouvernement conservateur fait la sourde oreille et continue d’aller de l’avant. C’est en notre nom, et avec notre argent, que le Canada fait la guerre.
Cette opposition populaire doit pouvoir s’exprimer! C’est pourquoi nous marcherons le 28 mars prochain pour commémorer le 90e anniversaire des émeutes contre la conscription et pour manifester notre opposition à la guerre en Afghanistan.
Manifestation anti-militariste, Vendredi le 28 mars
Rassemblement à 17h, devant la bibliothèque Gabrielle-Roy (350, rue Saint-Joseph Est) à Québec.
Nous vous invitons à soutenir cette manifestation en nous contactant par la poste ou par couriel et en manifestant avec nous le 28 mars prochain. Un appel officiel sera envoyé sous peu.
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Notes :
(1) À ce sujet, voir : « Du pain et des jeux », dans Cause Commune, numéro 11, automne 2006, p. 1.
(2) L’armée tue pendant cette grève un ouvrier d’origine française, Édouard Beaudoire, que des rapports militaires présentent comme un socialiste qui a participé à la Commune de Paris.
(3) Jean Provencher (1971), Québec sous la loi des mesures de guerre 1918, Montréal, Éditions du Boréal Express, p. 82.
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Ce texte sera publié en une du prochain Cause Commune....
Texte repris du blogue de nos camarades de Québec
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