vendredi, mai 20, 2011

Le populisme faux remède à la déchéance du capitalisme.

Notre camarade Martiniquais Nemo, celui qui a présenté une conférence pour l'UCL, intitulée Matinik Doubout, vient de publier un nouveau texte sur le populisme. Il y fait un portrait historique de cet arme du pouvoir utilisé tant par la gauche que la droite. Nous le publions ici en "quasi exclusivité"! Bonne lecture!
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Depuis quelques années on évoque la montée du populisme. Les ouvrages se succèdent. Phénomène social lié à la médiatisation, à rapprocher de ce que l’on appelle aussi déjà depuis un certain temps  la « pipolisation » ? Montée inquiétante d’un mouvement politique d’extrême-droite ?

Le populisme, un terme à signification évolutive.

Le populisme se caractérise par une volonté de critique radicale de l’ «establishment » politique, voire des institutions,  et la mise en avant d’un leader salvateur cristallisant les aspirations populaires. Au XIX siècle en France le général Boulanger est l’un de ces personnages marginaux  mis en avant par les bourgeois et soutenu par une partie des travailleurs.
Mais la signification du populisme a évolué dans l’Histoire. Dans les années 1930 il désigne encore des partis et organisations de centre droit qui usent avant tout de la démagogie en flattant les pauvres et les classes moyennes Le populisme transparait bien sûr dans les fascismes. Il va être vu aussi en France, avec l’UDCA de Pierre Poujade dans les années 1950, comme un prémisse de l’extrême-droite.
En Amérique latine Péron ou plus tard Chavez, s’ils peuvent représenter un populisme sans grande profondeur et donc un pouvoir fort (caudillisme), ne peuvent être assimilés à des fascistes même si le lider argentin s’en était inspiré.
Le populisme est donc avant tout basé sur la démagogie et non pas sur des analyses approfondies des faits économiques ou sociaux. Surgissant le plus souvent dans les moments de crise, il nie la lutte de classes en prétendant à un rassemblement derrière le chef. Il encourage  la xénophobie, fait appel à un passé mythifié en vue d’une unité. Mais il n’apporte aucune solution. Pire il laisse le pays où il a pu régner quelque temps, exsangue, encore plus désemparé qu’avant sa prise de pouvoir. Ainsi en a-t-il été après le départ de l’épouse de Peron successeuse du vieux dictateur défunt dans les années 1970. Car ayant pour politique  la conduite des affaires par une prétendue élite au dessus des « vieilles institutions démocratiques », se plaçant au dessus de toute démocratie, il ne prépare évidemment en rien les populations à prendre eux-mêmes leurs affaires en mains, tout au contraire. Il cultive l’attentisme, la passivité et l’irrationnel dont il se nourrit pour parvenir au pouvoir.
Mais aujourd’hui la signification du terme a évolué. En Europe ou aux Etats-Unis il caractérise des partis et organisations d’extrême-droite dont certains sont déjà sinon aux marches du pouvoir du moins très influents..


Une fausse critique servie par les médias.
  
Par corrélation tous ceux qui reprendront des « arguments populistes » seront soupçonnés d’être des suppôts du fascisme. Si l’on affirme que le ciel est bleu, comme tout le monde peut le constater, et qu’un fasciste affirme la même chose, est-ce pour cela que l’on a des sympathies pour l’extrême-droite ? Quand cette même extrême-droite déclare que le capitalisme est en crise, qui, jusque là pourrait dire le contraire ?  Car c’est dans les solutions proposées que l’on voie le vrai visage des populistes et des fascistes. Comme disait un ancien Premier Ministre, l’extrême-droite pose des bonnes questions mais apporte des mauvaises réponses.
En fait à y regarder de plus près  - ce que personne ne fait et surtout pas les journalistes médiateurs (1) – les partis d’extrême-droite ont pour principal objectif de s’en prendre aux classes défavorisées. Toujours moins de protection sociale, diminution des droits des personnes d’origine étrangère (2), suspension ou entrave aux libertés (3).
Mais cette fausse critique qui n’arrive donc jamais à son terme et débouche sur le totalitarisme est finalement bien connue depuis les années 1930 et sa faillite à travers la seconde guerre mondiale.
Mais le populisme représente t-il vraiment un tel engouement en France ou n’est-il qu’une mayonnaise qu’on a du mal à faire prendre ?
 Si tout le monde constate bien la faillite du système capitaliste, même ceux qui étaient chargés en principe de le défendre (4), les alternatives acceptables que les medias diffusent sont sélectionnées. Et elles ne sont acceptables que si elles participent au sauvetage dudit système (5).
Celui-ci a-t-il dit vraiment son dernier mot ? Car sa force est d’avoir toujours pu jusqu’à présent avancer des alternatives parfois radicales en apparence, des remèdes de cheval qui au bout du compte lui ont permis de ressusciter comme un phœnix maléfique. Krupp et d’autres ont financé Hitler sachant très bien que le libéralisme allait temporairement y passer mais que finalement on sauverait les intérêts des grands groupes capitalistes même sous la férule d’un dictateur.
L’essentiel est de cacher aux masses populaires leur vraie force. Elle est effet celle d’un Samson, que l’on occulte par tous les moyens pour orienter vers les faux choix, les  fausses alternatives. Et le meilleur de ces chausse-trappes n’est-il pas par exemple  le faux débat entre totalitarisme et libéralisme?
Le capitalisme lui-même n’est jamais mis en cause. Il faudrait être « réaliste » et ne pas « sombrer-dans-l’utopie-qui-conduit-de-toutes-façons-vers-le- totalitarisme-on-a-déjà-essayé». Et quand elle est prononcée, la parole de la critique radicale est déformée, tournée en dérision sous les rappels des canons conciliaires de la « bonne pensée ». C’est alors le moment pour les spécialistes de la mystification, de taxer les importuns de « populistes » comme jadis on tentait de décrédibiliser  les opposants à la société en les taxant d’ « anarcho-fascistes » ou d’ « hitléro-trotskystes ». Il est ainsi arrivé que l’auteur de ces lignes soit affublé du qualificatif péremptoire d’ « anarcho-capitaliste » par des libéraux ou des gauchistes, sans qu’il y ait le moindre début d’une argumentation.

Weimar et la victoire des nazis.

Rappelant des exemples du passé, on en arrive souvent à évoquer la Seconde Guerre mondiale. C’est le fameux « point Godwin » sur lequel buterait tous les interlocuteurs au bout d’un certain temps de discussion. Mais c’est aussi un faux argument  pour les défenseurs de l’ordre établi afin de ne pas pousser trop loin les analyses et les comparaisons qui pourraient « déranger ».
Rappeler l’arrivée au pouvoir d’Hitler serait un argument de populiste  et donc « tout à fait en inadéquation avec la situation actuelle », n’est-ce pas ?...
Cependant bien des facteurs et conditions rappellent ceux d’aujourd’hui. Une crise économique, une montée des fascismes, la répression des travailleurs et des forces populaires, une misère grandissante et la promesse d’une guerre mondiale, tels sont les avatars connus du système capitaliste en crise.
Le lit des nazis est ainsi  préparé par les initiateurs de la République de Weimar eux-mêmes. Ce régime était né à travers la répression de la Révolution allemande de 1918, dans le sang des spartakistes, dans celui de Rosa Luxembourg et de Karl Liebknecht. Les sociaux-démocrates qui avaient ainsi offerts leurs services à ladite répression, ne purent en rien faire face à la montée de la droite et de l’extrême droite. Alors que les leaders ouvriers des conseils révolutionnaires avaient eux été immédiatement fusillés, Hitler, lui, en 1923, pour sa tentative de coup d’état à Munich, lors de laquelle plusieurs policiers furent atteint par balles, fut simplement condamné à cinq ans de prison que finalement il n’effectua pas. Pour l’apprenti dictateur ce fut une leçon. Désormais son combat passerait par les urnes et un respect apparent des institutions représentatives démocratiques et bourgeoises.
Sur ce terrain électoraliste il était d’ailleurs rejoint par son principal opposant, le KPD, le Parti Communiste Allemand. C’était alors le plus puissant parti communiste d’Europe occidentale. Mais il avait fini par suivre la ligne stratégique du komintern établi par Staline. Les fascistes sont-ils rien d’autre que l’arbre qui cache la forêt des sociaux-démocrates auxiliaires avérés des capitalistes ?
Comme dans une joute médiévale d’un autre temps où dès le départ les dés sont pipés, le KPD participe aux élections, y remportent d’ailleurs des succès (5), mais doit s’incliner, dans le cadre du respect des institutions bourgeoises, quand Hitler, grace aux alliances avec la droite et à l’argent des capitalistes allemands, prend finalement le pouvoir…démocratiquement. Rien ne se passa alors dans la société allemande, contrairement à l’Espagne, conditionnée qu’elle était, par les partis de gauche eux-mêmes, à respecter des institutions prétendument démocratiques. A noter que peu de dirigeants ou politiciens occidentaux n’y trouvèrent  à redire alors que quelques 50 ans plus tard leurs héritiers en politique applaudiront quand le FIS algérien, avatar fascisant, qui avait gagné les élections, se vit purement et simplement privé de sa victoire pourtant démocratique, par le gouvernement algérien.
On comprend bien que pour le système libéral lui-même, ces institutions constituent un cadre « à géométrie variable ». Il est fait pour défendre  avant tout les intérêts capitalistes, et s’il le faut, la place doit être cédée aux  pires dictatures comme cela a pu être le cas en Amérique latine dans les années 1970.

Silvio Berlusconi, la réussite d’un populisme « en goguette »

Si tout le monde sait que l’actuel président du conseil italien a été et est toujours un homme d’affaires, aujourd’hui très riche, on connait moins les « bonnes fées » qui ont auguré ses débuts en politique. Dans les années 1970, face à la montée des luttes sociales, et donc logiquement à la remise en cause du personnel politique, l’extrême-droite italienne, inspirée directement du fascisme qui n’a jamais été sérieusement éradiqué en Italie comme le nazisme a pu l’être en Allemagne, tente d’organiser un complot avec l’aide de services américains (6). Si ces menées visant la prise du pouvoir immédiate paraissent alors échouer, quelques retombées semblent récupérables pour les partisans d’un pouvoir fort. D’abord l’assassinat d’Aldo Moro aboutit finalement à une remise en question du « compromis historique », c'est-à-dire l’alliance entre le Parti Communiste Italien et la Démocratie Chrétienne. Mieux : c’est tout le personnel politique qui est encore  plus discrédité. Les conditions deviennent propices pour  lancer un sauveur suprême, au dessus des partis « tous pourris ». Qui ? Peu importe. L’essentiel résidera dans l’essence de ce qui lui sert de programme. Il faut un pouvoir fort et anti-démocratique permettant, sans opposition, sans consultation, de lancer de manière radicale, tous les chantiers qui s’avéreront nécessaires. En clair il s’agit d’accompagner, d’appuyer la politique ultra libérale qui se déploie déjà dans le monde, dont les porte-voix sont Reagan et Thatcher. Mais cette tentative générale qui vise à adapter la forme du capitalisme avec la crise qui le poursuit inexorablement, est en Italie enrobée d’idéologie. Il s’agit d’un populisme inspiré bien sûr du fascisme mais revivifié par certains meneurs et maîtres à penser (7).
Comme d’habitude, « démocratiquement », Silvio Berlusconi, comme maints autocrates ou dictateurs, sera donc régulièrement élu par les urnes…et grace à l’argent qui lui permet de conquérir rapidement tous les médias italiens. L’un des buts immédiats des populistes est en effet de s’attaquer à la Culture.  Car c’est par là bien sûr que peut venir la critique d’un nouveau pouvoir aux arguments absurdes. Grace à une mainmise sur toutes les télévisions, qui finissent par être les seules à financer la production cinématographique (séries soap-people), les studios de Cinecitta, sont bientôt à genoux, en faillite, incapables de produire dans l’indépendance ce qui faisait auparavant l’orgueil de l’Italie. A travers le cinéma, plus qu’un pan de la culture italienne, c’est ce qui faisait l’Italie elle-même qui disparait. Le nivellement par la bêtise, par la pipolisation, peut alors se déployer. « Cela leur fait tellement plaisir » peut s’esclaffer il cavaliere.
La xénophobie et le racisme peuvent eux aussi se répandre alors sans complexe. On ratonne les Noirs, maires et populations en tête. On évoque un « tsunami » démographique face à la venue de quelques milliers de réfugiés africains que le garde-chiourme de Tripoli, mal récompensé, menace de déverser sur les côtes européennes.
On oublie de dire qu’un pays comme la France n’a même pas atteint ses quotas pour ce qui concerne par exemple la venue de travailleurs tunisiens. Mais les grognements des populistes qui pour plaire n’aspirent qu’à se rouler dans la fange du racisme le plus nauséabond, ne font que croître à l’unisson, cherchant par la même occasion à cacher l’origine des vrais problèmes qui touchent les peuples aussi bien en Europe qu’en Afrique.
La division par le racisme gangrène la péninsule et les italiens de « pure souche» eux-mêmes quand  la Padanie cherche à s’affirmer par rapport à un sud qui serait, selon ses promoteurs nordistes, fait de « feignants bronzés ».
Rodomontades, roulements d’yeux, blagues salaces, tout cela ne rappelle t-il pas le « bon vieux temps » l’uniforme en moins ? Et cela plait…un certain temps !
Que proposent les opposants, sinon un peu moins de bling bling et de parties de cul ?  Une gestion « sérieuse » de la société capitaliste par eux qui sont des intellos n’ayant jamais magouillé dans les affaires ?!  Ne sont-ils rien d’autre, en vérité, que de tristes pisse-froids mal lavés (8)… Alors vive les soirées bunga-bunga et les putes ! Et quand on sait parler à la maffia avec des cheveux si bien replantés, ne prouve t-on pas ainsi qu’on peut très bien être un chef d’état ?
Le peuple italien seul, par les manifestations et la grève générale, retrouvant la dignité,  pourrait changer la donne par la pratique, dans l’action, d’une démocratie renouvelée, une démocratie directe.

Sarkozy, le populiste manqué.

Le candidat de la droite française aux élections de 2007 fait figure de parvenu. Il n’a pas le faux  prestige d’un homme d’affaire comme son alter ego italien, au pouvoir depuis les années 1990. Mais ce modèle serait –il vraiment  gage de succès en France où quelques années plus tôt un Bernard Tapie s’est fait dégommer en beauté, où les signes ostentatoires de richesses sont plutôt mal perçus ? Certes Nicolas Sarkozy  a compris l’intérêt de la pipolisation qui, en plus du décervelage et d’une image en silicone, peut permettre de retarder la mise à jour des véritables intentions politiques des forces capitalistes en ordre de marche qui le soutiennent. Elles sont cette fois bien servies par une droite contrôlant tous les leviers de commande, acquise à l’ultra libéralisme
Mais rapidement les déboires et revers s’accumulent. Pour se remettre en selle, pour tenter de grapiller quelques chances de garder le pouvoir, il ne reste bientôt plus en  ligne de mire que les voix du rival populiste, à caractère bien fasciste lui, le Front National. Et sans trop d’efforts, comme sous la République de Weimar, la droite au pouvoir va reprendre les arguments racistes des Le Pen. Si l’on regarde bien en effet le programme du Front National d’avant 2007 et celui appliqué par Sarkozy par la suite, on constate qu’il s’en est largement inspiré, surtout pour ce qui est de l’immigration.
En 1998, seule l’extrême-droite s’inquiétait de la composition exogène de l’équipe de France de foot-ball. Aujourd’hui, en 2011, c’est à l’intérieur même de la Fédération Française Football que des propos à caractère discriminatoire sont tenus ! Telle est l’évolution de la société sous la gouvernance sarkozyste…
On ne peut s’empêcher de rappeler certains dits de la sagesse populaire, connus des peuples en Europe comme en Afrique : à force de faire l’âne, tu en deviens vraiment un !
La gauche peut tenter de lancer des cris d’orfraie en montrant le Front National, de plus en plus banalisé par les médias. Le gouvernement en place applique déjà et depuis assez longtemps une politique d’extrême-droite.
Nicolas Sarkozy aura tout essayé. D’abord le bling bling, la pipolisation de sa vie familiale, ses femmes, ses fils etc. dont la presse était  priée d’en faire ses unes. Puis face aux grondements, le retour au sérieux-qui-sied-à-la-fonction-présidentielle. Insuffisant pour donner le change. Et l’image d’un  « dur-mais-sympa » n’a jamais pu vraiment se défaire d’une persistante caricature à la De Funès. La guerre en Lybie ne lui profite en rien aux yeux de l’opinion, d’une population cruellement aux prises avec la récession économique et au démantèlement prémédité de tout système de protection sociale. L’image s’est  retournée et Sarkozy est devenu le symbole de la parole non tenue, voire du mensonge. Il est vrai que face au nouveau pic de crise qui s’annonce que reste t-il d’autre à faire sinon mentir, c’est à dire « faire de la com » ?  Pourquoi ne pas avancer en effet les pires bobards tel celui d’une fantasmatique reprise économique qui aurait ainsi  lieu sans diminution réelle du chômage ? Voir un espoir dans la chute d’un rival dans une histoire de cul ?
Dans leur bunker, les capitalistes en sont aujourd’hui à rêver tout haut à on ne sait quelle miraculeuse armée de secours…
Par les grands médias qui « pipolisent » et favorisent le populisme, on fait ou l’on défait un homme politique jugé à présent inconvenant. A l’heure des bilans entre Etats-Unis et Europe qui se trouvait le plus gêné par l’action du président du FMI,  Dominique Strauss-Khan ? Le système broie au passage au gré d’intérêts divergents et fluctuants ses plus fidèles serviteurs….
L’extrême-droite est donc boosté par lesdits  médias qui auraient  d’abord «voulu bien faire » en la montrant comme un épouvantail, une lourde et stupide  alternative par rapport au système libéral, qui lui resterait « le chevalier blanc » la seule issue « réaliste », le « meilleur des mondes » car tellement plus humaniste ( !).. Comme jadis où l’on montrait  « le communisme et l’Union soviétique » comme seule alternative et donc comme un  repoussoir. Mais cette fois cela ne marche guère comme prévu et tout au contraire, la boite de Pandore ouverte, on voit que l’extrême-droite épouse bien en réalité les aspirations d’une grande partie de la droite ultra libérale.  La crédibilité du Front National est donc renforcée. Marine Le Pen est plus que jamais invitée sur les plateaux. Mais on pouvait le prévoir dès le  battage orchestré lors des élections régionales de 2008, où la presse criait au loup et annonçait une montée considérable du FN alors que celui-ci, en réalité, finissait par perdre 37 sièges de conseillers régionaux. L’organisation d’extrême-droite avait perdu nombre de voix  par rapport aux précédentes élections régionales de 2004.

L’abstentionnisme arme des populistes ?

Le système capitaliste en crise voit se refléter celle-ci dans le fonctionnement des institutions étatiques elles-mêmes. Ainsi le vote est-il de plus en plus boudé par les populations. Non pas dans son principe mais simplement parce qu’il est clairement perçu comme  partie d’un système dont la logique ne réside que dans sa reproduction et que l’on rejette donc de plus en plus.  Le personnel politique a tout naturellement perdu la confiance des électeurs. Malgré tous les efforts des médias pour ramener le peuple vers le « droit chemin » des urnes, les résultats sont ici décevants. Pire encore : en 2005, les électeurs ont profité d’une de ces consultation électorales – qui était censé n’être qu’une simple consécration - pour voter à contrario de ce qui était attendu, c’est-à-dire en l’occurrence contre le projet de Constitution européenne. Le peuple ne joue plus le jeu qu’on attend de lui !
Et quand nous évoquons les institutions nous y incluons aussi bien évidemment  la presse qui soulignons le, perd elle aussi de plus en plus de crédibilité. Concurrencé par internet et téléphones portables, la pipolisation, il est vrai, répandue dans certains sites (9) pait de moins en moins.
Ceux qui connaissent l’histoire sociale savent néanmoins que la classe ouvrière a été pendant très longtemps abstentionniste, et ce avec ou sans les anarchistes. Il faut ainsi attendre les années 1930 pour que le Parti Communiste Français participe réellement à toutes les élections. En Espagne, seule la promesse par les initiateurs du Frente Popular en 1936, d’une libération des milliers de militants ouvriers emprisonnés, permet un vote en faveur de ce dernier.
Historiquement l’abstentionnisme n’est pas l’arme de l’extrême-droite et des populistes. Tout au contraire, comme nous l’avons déjà évoqué c’est plutôt par les urnes et des alliances politiciennes que ces aventuriers de la politique parviennent au pouvoir. Les populistes tout au contraire présentent eux aussi, quand cela les arrange, le droit de vote comme « la plus noble conquête de la démocratie ». Comme les autres, ils oublient de dire que ce « droit » existe dans nombre de régimes très peu démocratiques, comme à Cuba ou en Syrie.
Aujourd’hui il existe un noyau récurrent d’abstentionnistes qui ne se reconnait ni dans les partis traditionnels ni dans les populistes de droite ou d’extrême-droite. On critique ainsi le système sans rallier pour autant l’extrême-droite et ce à contrario de ce que cherche à montrer les médias (10).

La gauche et l’extrême-gauche peu crédibles.

Certes tout est fait pour rendre inaudible et détourner l’attention quand on tente de parler sérieusement d’alternative au capitalisme. Mais quel est réellement l’alternative, le projet, ou simplement la perspective développé par la gauche européenne face à la crise du capitalisme ? Rien de sérieux sinon l’appel à un néo-keynésianisme et un discours sur  une politique des revenus. On peut tout de suite douter de ce qui apparait plus comme des velleités, une démagogie, plutôt qu’une réelle volonté politique. On voit le degré de résistance de la gauche récemment au pouvoir en Grèce !
 Depuis la fin du compromis fordiste (11) on sait que la social-démocratie est morte, ne représentant plus que la coquille vide d’aspirants au pouvoir dans une perspective de bipartisme à l’américaine.
Le Parti socialiste français s’il parvient au pouvoir, continuera donc à soutenir les banques qui ont investi notamment en Grèce, en Irlande ou au Portugal, et donc à creuser le déficit public en prenant en charge leur découvert voire la faillite qui leur est promise.
La seule boussole reste la lutte des classes. Et de par le monde, que cela plaise ou non, des révoltes éclatent.
Ce sont ces enjeux bien compris qui finalement ouvrent des perspectives.
L’extrême-gauche est dans la vérité quand elle met en évidence les signes d’injustice, la faillite du système capitaliste lui-même. Mais embarrassé par un lourd bagage idéologique elle est incapable d’analyser sérieusement l’évolution du système, et par conséquent l’évolution des structures qui l’accompagnent comme par exemple celles des syndicats, idéologiquement liés au  compromis fordiste aujourd’hui obsolète. N’en reste t-on  pas souvent  à voir le monde avec les yeux de ses 20 ans, avec une grille vieille pour le moins de quelques décennies où la CGT française, par exemple, est toujours perçue comme la grande organisation de masse à ménager, « un  syndicat-combattif-où-les-travailleurs-adhèrent-en-nombre » (12) ?
Regardons le niveau de vie et les acquis dans d’autres pays européens où il n’y a pas l’équivalent d’une bureaucratie syndicale post stalinienne comme la CGT.  Combien gagne aujourd’hui un salarié allemand par rapport à un salarié français pour le même travail ?
Mais ce sont des considérations politiciennes, le triomphe de l’idéologie de sa chapelle qui animent souvent les militants d’extrême-gauche et non pas le seul bien être des travailleurs. Et c’est pourquoi on s’est ainsi lancée, depuis bien longtemps, dans la course à l’échalote, c’est-à dire dans le combat électoraliste. Et comme les populistes, on ne peut éviter ici la dérive démagogique. Une brave salariée pugnace au leitmotiv simpliste (« travailleurs, travailleuses… »), un jeune salarié sympa qui ressemble à Tintin (13), un remake de Georges Marchais etc.
Des analyses fortes et pertinentes critiquant le système existent. Paradoxalement elles ne sortent guère des chapelles évoquées mais plutôt des rangs de ceux qui, au  départ étaient chargés de défendre ledit système capitaliste, de monter la roue de secours et de changer le carburateur quand c’était nécessaire. Ces spécialistes de l’économie, des rouages de la finance, étaient bien sûr les mieux placés pour se rendre compte de l’usure de la machine. Et certains commencèrent sinon à trahir du moins à avoir un œil de plus en plus critique. Paul Jorion est de ceux-là. Cet intellectuel, comme d’autres, comprend que le système arrive à une fin (14). Mais comme beaucoup, minimisant le rôle de la lutte des classes,  il est incapable de proposer une alternative sociale et encore moins une stratégie. On nous rétorquera que ce n’est en rien dans les attributions de ces penseurs. Après tout quelque soit son génie n’est-il pas normal qu’il en soit ainsi ? On n’a guère reproché à Marx de n’être pas monté lui-même sur les barricades.
Par ailleurs un mécano est sans doute capable de faire des merveilles. Mais si vous lui demandez d’imaginer un nouveau modèle de véhicule écologique et performant etc., il regardera ailleurs, vers sa chère guimbarde qui le conduira peut-être lui et ses proches au tombeau mais qu’il n’abandonnera jamais.
Pour certains autres c’est donc le peuple qui n’y comprend rien, qui mérite d’être éduqué, pour « bien-voter-la-prochaine-fois ». Mais finalement on finit par se demander où sont les véritables imbéciles. Ne doit-on pas plutôt regarder, comme souvent, parmi ceux qui prennent les autres pour des idiots ?
La seule boussole est la lutte des classes. C’est elle qui en resurgissant nous montre le caractère obsolète de certaines conceptions. Ainsi l’organisation des révoltés n’est aujourd’hui plus la même qu’il y a 50 ans et on ne peut plus se contenter d’entretenir des mythes. Quand c’est sérieux on évoque des coordinations, des réseaux, des comités de luttes qui dépassent les vieilles organisations syndicales. A contrario on comprend tout de suite comment avec une lutte contrôlée de bout en bout  par une Intersyndicale comprenant la CGT, la CFDT et les autres syndicats réformistes, on ne puisse aboutir qu’à la défaite. C’est bien ce qui s’est passé en France en octobre 2010 lors du mouvement social contre la réforme des retraites. Ce ne fut  pas simplement une « trahison des bureaucraties syndicales » mais plutôt le niveau de combativité, dans cet exemple, qui n’a pas été  à la hauteur de l’enjeu (15).

Développer l’idée d’un projet autogestionnaire démocratique et anticapitaliste.

La seule façon efficace de lutter contre les populistes et l’extrême-droite fasciste, est de faire comprendre qu’une autre société basée sur la fin de l’exploitation d’autrui, est possible, facile à construire compte tenu des forces productives déjà en place. Que l’on gère facilement une entreprise par la démocratie directe, par exemple. Il faut aussi faire comprendre qu’un tel projet de société permet de résoudre bien des difficultés paraissant aujourd’hui insurmontables dans le cadre politique et économique actuel comme par exemple la « crise énergétique et environnementale ».
Comment redonner confiance « aux masses », à chacun d’entre nous ? En n’hésitant pas à affronter l’adversaire, parfois physiquement si nécessaire quand ce sont des fascistes qui usent de violence et de terreur comme à Lyon, en France, en mai 2011. En proclamant la reprise de la production dans une entreprise en grève, en occupant des lieux stratégiques et ce même pour un court instant, en déployant une banderole à deux ou trois sur un marché, en résistant ainsi sans concession  contre la passivité soigneusement distillée…Les alliances  avec les « tièdes », qui, en réalité, ne veulent pas agir, représente souvent une perte de temps. Seul l’exemple  peut permettre de convaincre et d’établir à terme, par de petites victoires concrètes,  le rapport de force nécessaire.
Tout comme la révolution espagnole de 1936 où plus de neuf millions de personnes vécurent l’expérience autogestionnaire, le mouvement de l’argentinazo de 2001, ou la quête d’une véritable démocratie en Afrique du nord,  ne sont pas des mythes, de simples utopies mais l’exemple d’aspirations et de  réalisations concrètes souvent encore trop faibles pour résister aux attaques insidieuses des forces capitalistes. Celles-ci sont peut-être affaiblies mais restent d’autant plus agressives.
Le populisme est une arme ultime qui, à travers les nouveaux mouvements sociaux, apparait de plus en plus obsolète, une astuce éventée. De l’Europe de l’est ou de l’ouest, au Moyen-Orient, en passant par l’Afrique du nord, sous l’action des peuples en révolte, les sauveurs suprêmes aux mensonges déconcertants, semblent avoir un avenir compromis.


  1. 1.        Par journalistes-médiateurs nous désignons ici, ceux qui ont « pignon sur rue », qui animent régulièrement les plateaux de télévision, signent des éditoriaux dans la presse papier. Le film sur Chomsky « Chomsky et Cie – La fabrique du consentement », en évoque un certain nombre et démonte les manipulations. 
  2. 2.        Le rappel au patriotisme, aux racines, à une prétendue culture du terroir, les brimades commises contre les individus d’origine étrangère sont les principaux signes et pratiques des populistes.  
  3. 3.        Du chancelier Dolfuss  gouvernant l’Autriche avant l’anschluss de 1938 au gouvernement hongrois d’aujourd’hui, les populistes montrent leur toujours leur volonté de s’attaquer à toute démocratie et aux libertés élémentaires. La présidence de l’Union Européenne qui a échu récemment à la Hongrie, n’a pas été sans soulever quelques remous.  
  4. 4.        La critique vint ainsi des acteurs eux-mêmes.  « Si la crise n'avait pas été déclenchée par une mauvaise évaluation des prêts subprime US titrisés, elle aurait fini par se déclarer dans d'autres secteurs ou marchés. Quelque chose devait céder. » Alan Greenspan, octobre 2008, cité par AgoraVox.   
  5. 5.        Le KPD, avec son leader Ernst Thalmann, occupe la troisième place aux élections présidentielles de 1932. Il parvient à dépasser les d 13% des voix aux  élections législatives après 1928.
  6. 6.         « Les Derniers jours d’Aldo Moro » documentaire réalisé par Emmanuel Amara
L’arrestation du chef du SIOS (Servizio Informazioni),Vito Miceli en 1974, révèle l’existence d’un réseau proche de l’Otan conspirant contre l’état italien.
« Les armées secrètes de l'OTAN, Gladio et Terrorisme en Europe de l’Ouest », Daniel Ganser, éditions Demi-Lune, 2007
  1. 7.         « Le dossier Berlusconi », diffusé sur Arte le 1er février 2011. Noter le discours et l’influence du fasciste Licio Gelli dans la loge P2 et l’affiliation de Silvio Berlusconi en 1980. 
  2. 8.        Ce sont les termes utilisé par Silvio Berlusconi lors de la dernière campagne électorale de mai 2011 pour qualifier ses adversaires politiques !  
  3. 9.        Les sites et portails de discussion lancés à grand frais voici quelques années, sont aujourd’hui concurrencés par de simples blogs, et surtout par Facebook.  
  4. 10.       Les médias cherchent à montrer les abstentionnistes comme des inconscients et des irresponsables.
  5. 11.       Voir à titre d’illustration, l’intéressant article de Sébastien Fontenelle sur son blog « Vive le feu » (http://www.politis.fr/Les-Proletaires-N-Ont-Decidement,13913.html)
  6. 12.       Le compromis fordiste consacre dès les années 1930, l’accord de fait entre les organisations syndicales et la sociale-démocratie d’une part et le capitalisme keynésien d’autre part basé sur la « société de consommation ». Mais ce modèle  a été remis en cause à la fin des années 1970. Voir à ce sujet l’ouvrage d’Alain Bihr « Du Grand Soir à l’Alternative »
  7. 13.      Alors que le NPA, organisation interclassiste sans autre perspective que les échéances électorales, s’amenuise, Besancenot qui refuse justement cette « pipolisation », se retrouve dans le dilemme que provoque sa « personnalisation ». Il  a choisi dernièrement de se mettre en retrait.
  8. 14.     « Le capitalisme à l’agonie » Paul Jorion. Fayard.
On a en effet reproché à l’auteur de ne pas aller plus loin, de ne pas faire de vrais propositions. Le commentaire de l’ouvrage d’Alain Faujas dans le journal Le Monde du 08.04.2011est plaisant :
« Le capitalisme n’est pas vraiment à l’agonie, mais il a une fièvre de cheval et Paul Jorion fait partie des médecins qui se pressent à son chevet. »
  1. 15.     Les grévistes des raffineries pétrolières, pour ne citer qu’eux, ont repris le travail après seulement huit à douze jours de grève. A titre de comparaison la grève et le mouvement social dans les Antilles en février-mars 2009 a duré près de 40 jours…mais s’est terminé, lui, par des acquis.

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