samedi, octobre 17, 2009
Lagacé et ses pitounes
Une franche réplique - quoique peut-être encore trop élégante - au texte du journaleux-scribouilleur franchement réactionnaire, Patrick Lagacé, "Georges et ses pitounes" (à lire seulement si on est vraiment de bon humeur)
Vous croulez sûrement sous les réponses suite à votre dernière chronique. Je suis désolée d'ajouter mon grain de sel, mais votre article vient de canaliser tout ce qui me tracasse dans les médias populaires. Je m'en sers comme catharsis. Vous m'excuserez.
"Mais les militants n'ont, justement, pas d'humour. C'est universel. Islamistes, féministes, communistes, animalistes, qu'importe: ces gens-là ne rient pas. Le militant ne sait faire qu'une chose quand on lui met un micro sous le nez: monter au créneau."
LA COLÈRE : Évidemment que les militants montent au créneau. Il faut bien que quelqu’un y monte, au créneau. Qui risque d’y monter, pour demander une plus grande justice sociale, vous ? Facile d’adopter une attitude paternaliste face aux militants, de leur donner un petit bec sur le front en leur conseillant de rire plus souvent, lorsqu’on n’a pas les deux pieds sur le terrain et les deux mains à l’ouvrage. Les militants, Mr Lagacé, œuvrent généralement bénévolement, ou pour un salaire médiocre, dans des organismes sous-subventionnés où ils se dévouent entièrement à faire du monde un lieu plus juste. Vous les poussez sur une tribune et leur demandez ce qu’elles pensent de George Laraque. Elles s’en crissent de Laraque. Parce que la plupart des militantes féministes travaillent avec de vraies femmes qui ont de vrais problèmes, au quotidien. Elles ont probablement une mère monoparentale sur l’autre ligne qui demande à être orientée vers des ressources pour effectuer un retour aux études. "Pour déconner j’ai répondu « les maudites féministes. »" Et bien, croyez-moi, la maudite féministe a autre chose à faire qu’à répondre à un chroniqueur de variétés qui l’appelle pour la niaiser.
LA RAISON : Le Centre de Concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle représente une partie du paysage féministe. Les femmes qui travaillent pour cet organisme sont en faveur de l’abolition du travail du sexe, une position défendue par de brillantes théoriciennes comme Catharine MacKinnon ou Andrea Dworkin durant les années 80. Leurs écrits sont extrêmement provocants et complexes mais ils méritent d’être pris au sérieux et se positionner face à leurs écrits représente un exercice intellectuel et humain des plus exigeants. Cependant, cette position a été hautement critiquée par d’autres groupes du milieu féministe (Gayle Rubin, Pat Califia ou encore Sallie Tisdale seraient des lectures qui pourraient vous surprendre). L’organisme Stella, par exemple, est un organisme créé par des travailleuses du sexe et pour des travailleuses du sexe dont le but n’est pas d’abolir le travail du sexe, mais plutôt de militer pour que des droits soit reconnus aux travailleuses du sexe pour afin qu’elles puissent effectuer leur métier dans la dignité, la sécurité et le respect. Et pourtant, les filles de Stella et les filles du CLES se réclament toutes du féminisme. Ça vous donne un aperçu des débats qui se tiennent au sein du mouvement, de son éclectisme et de son dynamisme. À mon avis, il est fort malheureux que les journalistes se tournent le plus souvent vers des organismes abolitionnistes pour leur demander de parler au nom des « féministes ». Saviez-vous que les Feminist Porn Award se tiennent à chaque année à Toronto ? Faites un petit effort de recherche, offrez une voix aux groupes que l’on tente de faire taire dans les médias. C’est beaucoup plus facile de perpétuer le stéréotype de la féministe fâchée. Du coup ça ridiculise tout un mouvement, ça fait taire les voix dissidentes, l’ordre social n’en est que maintenu et ça conforte une partie de votre lectorat dans son statut quo intellectuel.
Vous qui travaillez dans les médias, vous devez bien être au fait de leurs fonctionnements internes. Un mouvement subversif ? Bang ! On prend ce qui s’est dit de plus radical, on le sort de son contexte et on monte l’histoire en épingle. Bang ! On vient de ridiculiser des gens qui travaillent d’arrache-pied pour faire de cette société un environnement plus juste et équitable. Merci bonsoir, je retourne m’écraser dans mon confort.
Marie-Sophie Banville
Féministe fâchée, anarchiste finie, conspirationiste paranoïaque, végétarienne rachitique and so on and so on qui vous souhaite néanmoins une bonne journée.
Vous croulez sûrement sous les réponses suite à votre dernière chronique. Je suis désolée d'ajouter mon grain de sel, mais votre article vient de canaliser tout ce qui me tracasse dans les médias populaires. Je m'en sers comme catharsis. Vous m'excuserez.
"Mais les militants n'ont, justement, pas d'humour. C'est universel. Islamistes, féministes, communistes, animalistes, qu'importe: ces gens-là ne rient pas. Le militant ne sait faire qu'une chose quand on lui met un micro sous le nez: monter au créneau."
LA COLÈRE : Évidemment que les militants montent au créneau. Il faut bien que quelqu’un y monte, au créneau. Qui risque d’y monter, pour demander une plus grande justice sociale, vous ? Facile d’adopter une attitude paternaliste face aux militants, de leur donner un petit bec sur le front en leur conseillant de rire plus souvent, lorsqu’on n’a pas les deux pieds sur le terrain et les deux mains à l’ouvrage. Les militants, Mr Lagacé, œuvrent généralement bénévolement, ou pour un salaire médiocre, dans des organismes sous-subventionnés où ils se dévouent entièrement à faire du monde un lieu plus juste. Vous les poussez sur une tribune et leur demandez ce qu’elles pensent de George Laraque. Elles s’en crissent de Laraque. Parce que la plupart des militantes féministes travaillent avec de vraies femmes qui ont de vrais problèmes, au quotidien. Elles ont probablement une mère monoparentale sur l’autre ligne qui demande à être orientée vers des ressources pour effectuer un retour aux études. "Pour déconner j’ai répondu « les maudites féministes. »" Et bien, croyez-moi, la maudite féministe a autre chose à faire qu’à répondre à un chroniqueur de variétés qui l’appelle pour la niaiser.
LA RAISON : Le Centre de Concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle représente une partie du paysage féministe. Les femmes qui travaillent pour cet organisme sont en faveur de l’abolition du travail du sexe, une position défendue par de brillantes théoriciennes comme Catharine MacKinnon ou Andrea Dworkin durant les années 80. Leurs écrits sont extrêmement provocants et complexes mais ils méritent d’être pris au sérieux et se positionner face à leurs écrits représente un exercice intellectuel et humain des plus exigeants. Cependant, cette position a été hautement critiquée par d’autres groupes du milieu féministe (Gayle Rubin, Pat Califia ou encore Sallie Tisdale seraient des lectures qui pourraient vous surprendre). L’organisme Stella, par exemple, est un organisme créé par des travailleuses du sexe et pour des travailleuses du sexe dont le but n’est pas d’abolir le travail du sexe, mais plutôt de militer pour que des droits soit reconnus aux travailleuses du sexe pour afin qu’elles puissent effectuer leur métier dans la dignité, la sécurité et le respect. Et pourtant, les filles de Stella et les filles du CLES se réclament toutes du féminisme. Ça vous donne un aperçu des débats qui se tiennent au sein du mouvement, de son éclectisme et de son dynamisme. À mon avis, il est fort malheureux que les journalistes se tournent le plus souvent vers des organismes abolitionnistes pour leur demander de parler au nom des « féministes ». Saviez-vous que les Feminist Porn Award se tiennent à chaque année à Toronto ? Faites un petit effort de recherche, offrez une voix aux groupes que l’on tente de faire taire dans les médias. C’est beaucoup plus facile de perpétuer le stéréotype de la féministe fâchée. Du coup ça ridiculise tout un mouvement, ça fait taire les voix dissidentes, l’ordre social n’en est que maintenu et ça conforte une partie de votre lectorat dans son statut quo intellectuel.
Vous qui travaillez dans les médias, vous devez bien être au fait de leurs fonctionnements internes. Un mouvement subversif ? Bang ! On prend ce qui s’est dit de plus radical, on le sort de son contexte et on monte l’histoire en épingle. Bang ! On vient de ridiculiser des gens qui travaillent d’arrache-pied pour faire de cette société un environnement plus juste et équitable. Merci bonsoir, je retourne m’écraser dans mon confort.
Marie-Sophie Banville
Féministe fâchée, anarchiste finie, conspirationiste paranoïaque, végétarienne rachitique and so on and so on qui vous souhaite néanmoins une bonne journée.
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2 commentaires:
Lagacé a raconté, dans son article, qu'il avait fait une mauvaise blague à une activiste en disant qu'il écrivait son article sur les "maudites féministes". Il s'étonne du fait qu'elle n'a pas trouvé ça drôle; c'est peut-être parce qu'en fin de compte, ce n'était pas une blague, mais la vérité, étant donné que son merveilleux texte a finalement et sans surprise, pris la tangente d'une charge à fond de train contre les "maudites féministes" et autres militant-e-s.
Notez quand même que Lagacé a pris la peine de parler au téléphone avec quelqu'un, ce qui suggère un peu de recherche. Son article lui aurait donc pris plus de 15 minutes à écrire! Pour une fois que ça arrive, j'aurais souhaité voir des résultats...
"Mais les militants n'ont, justement, pas d'humour. C'est universel. Islamistes, féministes, communistes, animalistes, qu'importe: ces gens-là ne rient pas. Le militant ne sait faire qu'une chose quand on lui met un micro sous le nez: monter au créneau."
Je suis loin d'être un fan de Lagacé (ce qu'il écrit est plus souvent qu'autrement, totalement impertinent ou écrit sous un angle médiocre), mais je suis essentiellement d'accord avec lui sur ce point. Très difficile dans le milieu militant de s'impliquer en y amenant une touche d'humour. C'est du moins ce que j'ai retenu de mon expérience personnelle.
La blague de Lagacé était poche et j'ai dû en faire aussi (méa culpa), mais reste qu'en repoussant l'humour du revers de la main, le milieu militant se condamne à être un milieu repoussant que les gens finissent par éviter.
Rien n'empêche de monter au créneau tout en se permettant de rire de soi-même une fois de temps en temps, ne serait-ce que sous l'angle de l'ironie.
Yvon Deschamps a passé sa carrière a dénoncer des situations désolantes avec humour et il le fesait très bien selon moi.
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