mercredi, avril 13, 2011
[Libye] L'autre côté de la médaille...
Notre camarade Martiniquais Nemo, celui qui a présenté une conférence pour l'UCL, intitulée Matinik Doubout, vient de publier un texte sur la situation en Libye. Son texte, pour le moins surprenant, a le mérite de poser les questions et de pousser à une réflexion sur l'appui des pays occidentaux aux insurgé-es en Libye. Qu'on soit d'accord ou non avec sa position, celle-ci détonne de la position assez généralisée de la gauche s'opposant à l'impérialisme et du coup à cette intervention militaire. Ce texte est une contribution d'un camarade, que je tiens à préciser n'est pas une positon défendue ni par l'UCL, ni par moi, mais qui j'espère pourra soulever un débat ou du moins minimalement une réflexion parmi vous...
Depuis le 17 février le peuple libyen s’est soulevé contre la dictature de Khadafi. Soudainement, alors que les insurgés résistaient tant bien que mal à la réaction brutale des forces militaires, lourdement armées, une coalition internationale a obtenu un mandat de l’Onu pour arrêter par voie aérienne une telle agression.
Cette intervention répondait-elle seulement aux vœux des insurgés sur le point d’être massacrés ?
On peut en douter au regard du choix de ce type d’interventions militaires de par le monde ces dernières années.
Irak et Afghanistan sont-ils vraiment des champs d’action où l’on défend la Démocratie et la Liberté ? N’y défend-on pas plutôt les intérêts et la vision politique de grandes puissances étrangères ?
A Bahrein les massacres continuent et, de ce côté, avec le soutien américain au gouvernement en place.
Hier Gaza voyait sa population bombardée sans que ces états aujourd’hui si « humanistes » ne lèvent alors le petit doigt.
Même chose au Rwanda en 1994 où l’Onu n’a pu - ou plutôt n’a pas voulu - faire arrêter les massacres.
Khadafi ami ou ennemi de qui ?
Khadafi, depuis plusieurs années, avait donné aux grandes puissances occidentales et particulièrement aux Etats-Unis tous les gages qu’on attendait de lui et même plus.
Ainsi les fonds libyens avaient participé à la remise à flot de la Fiat italienne. Le colonel avait de lui-même fait démanteler les débuts d’installations nucléaires sur le territoire libyen. Enfin il avait révélé tout ce qu’il savait sur Al Quaida, son ministre Moussa travaillant sur ce dossier en étroite relation avec le Pentagone.
Les accords s’étaient multipliés avec la France qui assurait le suivi et le maintien des éléments de l’aviation libyenne. Avec l’Italie où le Clonel ne pouvait recevoir que des baisers du Président du Conseil italien pour son acceptation du rôle de garde-chiourme à l’égard des populations tentant de franchir la Méditerranée.
Les fonds libyens étaient généreusement répandus, acceptés en silence mais avec contentement.
Il n’est donc pas exact de dire que « l’Occident » rêvait de s’emparer du pétrole libyen. Il le possédait déjà et se contentait, comme ailleurs, d’un pouvoir autoritaire et stable.
A tel point que la Libye, listée longtemps parmi « états-voyous » par George Bush, avait été absoute finalement par ce dernier. Mieux, le « Guide » avait même présidé l’assemblée de l’ONU, jetant spectaculairement à terre ses statuts depuis la tribune, en évoquant les Droits de l’Homme.
La révolte populaire allait encore changer la donne.
La nouvelle politique américaine
Alors que les pays occidentaux souhaitaient tout d’abord partout en Afrique du nord un simple rétablissement de l’ordre, les Etats-Unis innovaient une nouvelle politique faite de « soutien à la démocratie ». Entendons-nous bien cependant : cette vision démocratique était bien entendu celle du libéralisme, visant à intégrer tous ces pays dans les circuits de l’économie capitaliste mondiale.
Pourquoi un tel revirement qui tournait le dos à ce qu’avait pu faire l’administration Bush ?
Pour deux raisons qui ne sont pas pur désintéressement bien sûr
D’une part les Etats-Unis n’ont plus les moyens d’une politique de la canonnière et il n’est donc pas possible d’ouvrir un troisième front terrestre après ceux, très aléatoires, de l’Irak et de l’Afghanistan
D’autre part le Président Obama qui s’est bâti une figure d’humaniste, tient à une telle image pour reprendre pied dans l’opinion arabe et pour sauver ses chances à 18 mois des prochaines élections présidentielles
La principale préoccupation des Etats-Unis est de garder sous contrôle les pays pétroliers du Golfe et particulièrement l’Arabie Saoudite qui représente 70% des approvisionnements pétrolières mondiaux. Et la proximité de l’Iran reste pour l’Empire un danger. Là, si l’on veut bien des réformes concernant les droits des populations, leurs révoltes sont néanmoins perçues comme très inquiétantes et doivent donc, dans la vision américaine, être sévèrement contenues.
Et c’est bien cette région proche de l’Iran qui pourrait alors voir naïtre un conflit bien plus grave que celui né en Libye.
La politique de Sarkozy
Après des atermoiements et des maladresses qui n’avaient fait que révéler des accointances avec les régimes contestés de Tunisie, d’Egypte ou de Libye, le gouvernement Sarkozy a tenté de reprendre la main en s’affichant comme éclaireur en matière des droits de l’Homme en Libye. Il a non seulement reconnu le CNT comme seul représentant de la Libye, mais a réussi à convaincre l’ONU d’engager des bombardements pour prétendument « dégager un espace aérien » et arrêter les forces militaires loyalistes bien mieux armés que les insurgés.
Sur le plan intérieur, c’est un « coup d’éclat » qui pouvait permettre à l’actuel gouvernement de se remettre en selle au sein de l’opinion. Malheureusement pour lui de telles interventions extérieures sont généralement très mal perçues par les populations. Populations déjà victimes de la crise économique et qui évaluent surtout le coût prohibitif desdites interventions. Et ceci est également vrai en Grande-Bretagne.
Du même coup, sur cette lancée, le Président français pouvait aussi espérer relancer à terme son projet d’Union pour le Méditerranée, union contrôlée elle aussi par l’oligarchie capitaliste qui en aurait fait une mer du néo-libéralisme.
Les autres états et l’OTAN
Rapidement le leadership de la France a été contesté par d’autres pays comme l’Italie ou les Etats-Unis, qui, sous prétexte d’une efficacité de commandement unique, voudraient voir l’entrée en scène de l’OTAN.
L’Etat italien était particulièrement aux premières loges dans le conflit libyen. Il a tout d’abord craint le renversement du régime de Khadafi avec lequel il avait signé tant d’accords. Le premier, le plus important pour le gouvernement Berlusconi, concernait la prévention des arrivées d’immigrés illégaux en Italie toute proche (île de Lampedusa). Mais, n’est-ce pas, une fois que le vin est tiré il faut le boire. A partir du moment où les hostilités avec le régime libyen étaient engagées, se sentant sous la menace de missiles, il fallait en finir au plus vite. Pour la Grande-Bretagne, l’Italie, et les Etats-Unis, l’intervention de l’Otan offrait une ouverture, une possibilité de dépassement de la résolution 1973 de l’ONU qui se limitait à l’intervention aérienne. On ne peut qu’être attentif à l’entrainement en Sicile des parachutistes américains.
Anti-impérialistes et soutien au peuple libyen.
Dans le camp des opposants à l’intervention aérienne, qui on l’a vu, n’est certainement pas désintéressée, on trouve des groupes d’extrême-gauche…et l’extrême-droite.
Pour les premiers la messe est toute prête, comme elle a pu être dite au moment de la guerre et des massacres en Yougoslavie. On ne fait pas « le jeu des impérialistes ». On condamne donc fermement « l’entrée en guerre de la France ». Les intérêts des impérialistes seraient clairs. Mettre la main sur le pétrole libyen et mettre en place à la place de Khadafi un régime fantoche à la solde desdits impérialistes. Remarquons au passage que c’est là le même discours que celui du Colonel.
Sauf que ledit pétrole était déjà dans les mains des puissances occidentales et que l’instabilité de la région représente plutôt un danger, un risque, pour lesdites puissances étrangères. D’autre part, dépeindre les insurgés comme des réactionnaires – puisqu’ils arboreraient le drapeau de l’ancienne monarchie – et le CNT comme une émanation des impérialistes est digne d’un mensonge stalinien de la grande époque. Il faudrait avancer des preuves. Mais quand on présente à ces marginaux sectaires des preuves des horreurs commises sur les populations, bien souvent ils les nient ou ne veulent pas les voir. Trop gênant. Ainsi, pendant longtemps, ils ont nié les massacres commis contre les populations bosniaques par Milosevic et Mladic dans la Yougoslavie des années 1990. Il a fallu déterrer ces dernières années les charniers cachés pour que nos anti impérialistes de salon acceptent de se rendre à certaines évidences.
Car reconnaître les massacres commis par des dictatures fascistes comme celles de Khadafi, rend plus difficile, voir intenable la position anti-impérialiste pure et dure, déshumanisée.
Il n’y a pas aujourd’hui malheureusement d’équivalent aux Brigades Internationales
Et la position intransigeante des « anti-impérialistes » exprime le refus d’une alliance avec les démocraties bourgeoises contre le fascisme.
On l’a déjà connu avant-guerre et pendant la seconde guerre mondiale. Elle s’exprimait sous la forme d’un pacifisme qui impliquait le refus de combattre les armées nazies. Et là encore ce pacifisme se retrouvait à l’extrème-gauche et à l’extrème-droite qui, avec le Maréchal Pétain avait conquis le pouvoir.
Mais certains groupes, comme les anarchistes espagnols, n’hésitèrent pas. Connaissant la nature du fascisme, ils continuèrent le combat dans le reste de l’Europe occupée par les nazis. Et pour ce ils s’allièrent, se mirent au service des démocraties bourgeoises engagées dans le combat, constituant des réseaux d’espionnage (réseau Ponzan) au service des Alliés. L e temps était-il à la Révolution ? Difficile de le savoir. Mais il fallait bien d’abord survivre et vivre pour espérer ensuite un meilleur futur.
Et c’est pourquoi, même si des choix sélectifs correspondent ainsi aux intérêts des puissants, nous nous félicitons des interventions qui ont pu sauver la population libyenne de massacres imminents.
Cependant ce combat pour la Liberté est loin d’être gagné.
Les forces étrangères qui sont ainsi intervenues ont pour but caché d’influer sur le cours des révolutions arabes. Il s’agit de faire une Méditerranée répondant aux desseins de l’oligarchie capitaliste qui dirige aujourd’hui le monde.
Néanmoins il nous faut soutenir avant tout le peuple libyen et respecter les choix qu’il a du prendre pour se défendre.
Il nous faut soutenir aussi le projet d’une nouvelle société qui reste à construire, les tentatives d’auto organisation, la réorganisation de la société tels que cela a pu être déjà entrevu à Benghazi et ailleurs. Et ce dans une perspective naturelle d’autogestion, d’indépendance, de réelle mise en place de démocratie directe.
Nemo, le 25/03/2011
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