mardi, août 10, 2010
Georges Fontenis : une figure internationale du communisme libertaire nous a quittés.
C’est une des dernières personnalités du mouvement anarchiste des années 1940-1950 qui vient de disparaître avec Georges Fontenis, décédé à Tours le 9 août 2010 dans sa quatre-vingt-dixième année. Il restera, dans la mémoire du mouvement ouvrier, comme un infatigable combattant du communisme libertaire, un acteur du soutien aux indépendantistes algériens, un syndicaliste de l’École émancipée, un des animateurs de Mai 68 à Tours et un des piliers de la Libre-Pensée d’Indre-et-Loire. Jusqu’à ses derniers jours, il a été adhérent d’Alternative libertaire.
Issu d’une modeste famille ouvrière des Lilas, Georges Fontenis fut projeté dans le militantisme anarchiste par Juin 36 et l’enthousiasme pour la Révolution espagnole. Membre de la CGT clandestine sous l’occupation, ce jeune instituteur à Paris 19e devint, à la Libération, un des militants les plus en vue de la Fédération anarchiste (FA). Dès 1946, il fut élu secrétaire général de cette organisation, véritable pôle de résistance à l’hégémonie stalinienne dans le mouvement ouvrier de l’époque.
Très proche des Espagnols de la CNT-FAI en exil, Georges Fontenis fut, en 1946-1950, un des promoteurs de la CNT française (CNT-F), qui se présentait comme une alternative à la CGT stalinisée et à une CGT-FO atlantiste. Après l’effondrement de la CNT-F en 1950, il rejoignit la Fédération de l’Éducation nationale (FEN) et fut actif au sein de sa tendance syndicaliste révolutionnaire, l’École émancipée.
Georges Fontenis fut ensuite un des principaux protagonistes des luttes d’orientation qui déchirèrent l’organisation anarchiste en 1951-1953, et qui aboutirent à la transformation de la FA en Fédération communiste libertaire (FCL). Il devait en garder, par la suite, une réputation sulfureuse. Il s’en expliqua dans ses Mémoires, publiés une première fois en 1990. Réédités en 2008 par les éditions d’Alternative libertaire sous le titre Changer le monde, ces Mémoires constituent une pièce de premier ordre pour les historiens de l’anarchisme, mais aussi une forme de bilan politique de cette période, non exempt d’autocritique.
Quand éclata l’insurrection algérienne de la Toussaint 1954, la FCL s’engagea dans le soutien aux indépendantistes et Georges Fontenis mit sur pied, avec ses camarades, un des tout premiers réseaux de « porteurs de valises ». Ce n’est cependant pas son action clandestine, mais sa propagande au grand jour qui valut à la FCL d’être démantelée par la répression. Interpelé par la DST au terme de plusieurs mois de cavale, Georges Fontenis passa près d’un an en prison et fut définitivement proscrit de l’Éducation nationale en Région parisienne. Cette période a été racontée dans un documentaire de 2001, Une résistance oubliée (1954-1957), des libertaires dans la guerre d’Algérie.
Après sa libération, Georges Fontenis s’installa dans la région tourangelle, qu’il ne devait plus quitter. La FCL étant détruite, il continua néanmoins son action dans les réseaux de soutien à l’indépendance algérienne.
Il fut de nouveau appelé à jouer un rôle en mai-juin 1968, en étant un des principaux animateurs du Comité d’action révolutionnaire de Tours. Dans la foulée, il tenta de relancer un Mouvement communiste libertaire (MCL), fortement teinté de conseillisme, mais qui fut un échec. Il devait par la suite adhérer, en 1980, à l’Union des travailleurs communistes libertaires (UTCL), puis à Alternative libertaire.
La vie de Georges Fontenis a, pendant plusieurs décennies, été liée au mouvement ouvrier et à son courant libertaire. Il en a partagé les avancées, les reculs et les luttes passionnées. Militant politique, il savait tirer les enseignements des échecs sans céder au découragement. Mais l’itinéraire de Georges Fontenis fut aussi un itinéraire personnel. Façonné par l’anarchisme, il voulut le transformer en profondeur. Pour cela, il fut vivement décrié par certains, et considéré par d’autres, en France et ailleurs, comme une référence. Son bilan forme-t-il pour autant un bloc, à prendre ou à laisser ? Nullement. Mais Alternative libertaire et, au-delà, le courant communiste libertaire international savent ce qu’ils lui doivent, et c’est pour cette raison que nous rendons hommage à un homme qui, désormais, appartient à l’Histoire.
Les militants qui l’ont côtoyé dans ses combats en garderont, pour beaucoup, le souvenir d’un camarade chaleureux, bon vivant, doué d’humour et d’une grande lucidité. C’est encore l’image qu’il laisse dans le documentaire qui lui a été consacré en 2008, Georges Fontenis, parcours libertaire.
AL assure sa compagne Marie-Louise ainsi que sa famille de sa solidarité dans ce moment douloureux. Le mensuel Alternative libertaire saluera longuement Georges Fontenis dans son numéro de septembre. Nous envisagerons également l’organisation d’un événement public en son souvenir à l’automne, probablement à Tours.
Alternative libertaire, le 10 août 2010
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