(source)Au Québec, l'égalité entre les hommes et les femmes est bien précaire et récente. L'égalité politique date de 70 ans. L'égalité dans la société conjugale de trente ans tout au plus, comme l'égalité éducative. On attend toujours l'égalité économique pour ne rien dire de l'égalité culturelle. La violence à l'endroit des femmes est un phénomène endémique, et des hurluberlus affirment le plus sérieusement du monde que «le féminisme est un crime contre l'humanité».
Majoritaires au collège et à l'université, les jeunes femmes n'arrivent pas à transformer leurs succès scolaires en succès sociaux et économiques. Ignorantes ou partiales, les femmes qui ont «réussi», surtout celles qui travaillent dans les médias, ne comprennent pas la nécessité de la lutte féministe, et même la décrient. Les féministes se mettent en marche en 2010 pour que la lutte continue, mais, dans quelques jours, tout le monde va se demander, goguenard, «le 8 mars est-il encore nécessaire?».
Valeur fondamentale
Depuis quelque temps, dans le tourbillon causé par la querelle sur l'identité québécoise et la prétendue nécessité d'une charte de la laïcité, on ne compte plus les ténors des deux sexes qui viennent proclamer, la main sur le coeur, que «l'égalité entre les hommes et les femmes, ce n'est pas négociable au Québec» et que «cette égalité constitue une valeur fondamentale de la société québécoise».
Je crois que les femmes des 350 dernières années ne s'en sont pas aperçues. Or, je me demande vraiment pourquoi ces affirmations ne sont exprimées que dans les discussions autour du voile islamique. Et je ne résiste pas à la tentation de citer cette phrase extraite d'un rapport belge sur le foulard des femmes islamistes et l'engagement public: «Il y a quelques années déjà, un rapport du gouvernement fédéral mettait en garde contre cette tentation de réduire la question de l'interculturel à l'interreligieux, la question de l'interreligieux à l'islam et la question de l'islam au foulard.»
Je pense que la situation n'est pas différente ici. Cette fixation a des significations inquiétantes. D'où vient cette colère contre le voile? Et ayant dit cela, je suis profondément persuadée que le voile est un signe de l'infériorité des femmes. Mais ce débat nous empêche sans doute de considérer le plus important.
Égalité acquise?
Pour en revenir aux déclarations émues sur l'égalité entre les hommes et les femmes, l'égalité serait acquise, elle constituerait la base de la société québécoise? Je suis très contente de l'apprendre. On peut donc s'attendre à ce que, désormais, tout le monde se mobilise pour enrayer la violence conjugale, pour améliorer le salaire des milliers de femmes qui travaillent au salaire minimum et dans des conditions précaires; que l'on va cesser de ne parler que des 66 % de jeunes femmes qui étudient la médecine et que les médecins vont cesser de se lamenter sur la féminisation de leur profession.
Savez-vous quelle est la profession où se retrouve le plus grand nombre de femmes? Le secrétariat! Il y a plus de 100 000 secrétaires au Québec. Connaissez-vous les conditions salariales des secrétaires? Et si l'on ajoutait les caissières, les préposées aux bénéficiaires, les serveuses de restaurant, les coiffeuses, etc., toutes ensemble (et on frise le million de personnes), elles n'arrivent pas à gagner le salaire de trois présidents de banque.
L'égalité entre les hommes et les femmes n'est pas menacée par le foulard de quelques milliers de femmes. Elle est menacée par le système économique, par la tradition politique, par les aménagements privés entre les hommes et les femmes (domestiques, sexuels, émotifs), par l'industrie médiatique et cosmétique, par l'importance économique de la guerre et de l'empire des armements. Sur le front de l'égalité, il serait temps de passer aux choses sérieuses.
lundi, février 22, 2010
Le foulard et l'égalité
Une camarade a attiré mon oeil sur ce texte de l'historienne Micheline Dumont.
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