vendredi, avril 09, 2010

Les économistes, ça n’existe pas

Un bon petit texte, gracieuseté de Anne Archet... absolument a lire! 


Je suis moins conne que j’en ai l’air : quand on m’explique lentement, avec des mots de moins de trois syllabes, je finis toujours par comprendre. J’en veux pour preuve l’interview que Pierre Fortin et Claude Montmarquette (que je surnomme affectueusement « L’ÉcoMomie » à cause de son teint de pêche) ont si gracieusement daigné accorder à Christiane Charette ce matin.
J’ai appris un tas de choses, notamment qu’il n’y a pas de riches au Québec. Les riches, c’est quelque chose qu’on trouve aux États-Unis — ou peut-être en Ontario et en Alberta, à la rigueur. Les riches, on le sait, portent des chapeaux haut-de-forme et des moustaches en guidon. Vous avez déjà vu un riche ailleurs que sur une planche de Monopoly? C’est bien la preuve que ça n’existe pas. Dans ces conditions, inutile d’espérer financer les services publics avec l’argent des riches; j’ai moi-même déjà essayé de payer mes pois chiches en boîte avec de l’argent de Monopoly et ça ne fonctionne pas du tout. J’avais donc tort de croire que le dernier budget du gouvernement Charest favorise les riches, puisqu’ils sont comme le monstre du Loch Ness : mythiques et introuvables.
J’ai aussi appris que les entreprises privées, ça n’existe pas. Idiote que j’étais, je croyais que l’économie était dominée par des corporations transnationales. Nenni! Les entreprises, c’est vous, c’est moi, c’est monsieur Rivard qui vend des chips dans son dépanneur, c’est madame Bigras qui retire de l’argent de sa caisse de retraite, c’est Steve le squeegee au coin de la rue qui après tout, est un travailleur autonome et donc, ipso facto, une entreprise à lui tout seul. Si on taxe une entreprise, qu’est-ce qu’elle va faire? Elle va refiler la facture à ses clients, elle va couper les salaires de ses employés. Ou alors, elle va quitter le Québec — probablement pour rejoindre les riches dans leur royaume féérique et magique. Qui alors paierait pour les pubs rigolotes qui nous divertissent tant pendant le téléjournal?
Jeu idiot de la semaine: trouvez le riche et gagnez un voyage aux îles Caïman.
Mieux : j’ai enfin compris que l’évasion fiscale, c’est une affaire de pauvres et de travailleurs. Ce sont les crottés qui font des jobines au noir qui fraudent le fisc et ils le font par manque de sens civique, voire de sens moral. On doit, comme l’a dit l’ÉcoMomie, « faire la chasse aux bandits », mais seulement quand le coût en vaut la peine — autrement dit, il ne faut pas essayer d’aller chercher l’argent que les riches (qui n’existent d’ailleurs pas) ont planqué dans des paradis fiscaux, ces îles lointaines et magiques où il fait si chaud que le fonctionnaire n’arrive pas à mettre un pied devant l’autre pour se rendre jusqu’à la banque. Le billet d’avion coûterait trop cher et puis le fonctionnaire risquerait de ne plus jamais revenir.
Bref, c’est Jacques Dofny et Marcel Rioux qui avaient raison (même s’ils étaient marxistes, beurk, ouache, caca) dans les années soixante lorsqu’ils disaient que les Québécois sont tous pareils et qu’ils forment une classe-ethnique. Sauf qu’au lieu d’être tous des « prolétaires luttant pour leur libération sociale et nationale » (lol, lol et lole) nous sommes tous des « contribuables de la classe moyenne qui doivent lucidement contribuer au risque de leur santé à la santé des finances publiques » et assurer la compétitivité des entreprises québécoises (qui n’existent pas) sur la scène internationale (l’endroit où se trouvent les riches).
J’ai eu ma leçon : dorénavant, je me renseignerai auprès des autorités crédibles et compétentes avant de dire des âneries. Tiens, la prochaine fois, je demanderai à Mgr Marc Ouellet quelle est la meilleure façon de lutter contre le sida et la pédophilie, je suis certaine qu’il me dira quelque chose de génial, comme « les pédophiles, ça n’existe pas » ou « le sida, c’est vous, c’est moi ».

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