jeudi, janvier 24, 2013

Les "Green Bans" et l'action syndicale environnementale

Le compte Facebook d'une section australienne du syndicat révolutionnaire Industrial Workers of the World vient de partager un clip de rap engagé australien qu'on pourrait dire être proche du style de Rage Against The Machine. Sans être la meilleure pièce musicale du monde, cette chanson a l'intérêt d'attirer l'attention sur l'histoire des "Green Bans" qui ont eu lieu en Australie dans les années '70.

Ce texte utilise les Green Bans pour soulever une réflexion sur la relation entre les syndicats et l'environnement.



En matière d'environnement, il est rare -à la connaissance de l'auteur de ses lignes- d'entendre les syndicats prendre une position écologiste claire dans une lutte.

En fait, ne serait-il pas plus commun de voir le contraire? Certains syndicats vont par exemple défendre la centrale Gentilly 2 ou être en faveur de la construction du port méthanier Rabaska à Québec. Dans ces deux cas, pour ces syndicats corporatistes le calcule est simple : tant que l'activité économique d'une entreprise, peu importe sa nature, assure de bonnes conditions de travail et/ou crée des emplois, il est du devoir du syndicat de prendre position en faveur de son maintient et/ou de sa création puisque le rôle du syndicat est d'assurer le maintien et/ou la création d'emplois de qualité pour ses membres.

En gros,  même si les populations environnantes se font irradier ou si des risques énormes pour le maintien d'un écosystème sont en cause, l'important c'est les jobs.

Ça c'est ce que veulent nous faire croire les "syndicats de droite". Et c'est important de souligner "de droite". Car en fait la situation n'est pas toujours aussi simple et les syndicats ne sont pas tous aussi "anti-écologistes".

Que ça soit par manque de démocratie interne, par corporatisme ou simplement par manque de rapport de force et de réflexion, certains syndicats iront dans la voie de la destruction environnementale autant que cela peut profiter à "leurs membres". Le capitalisme fonctionnant sur le saccage perpétuel du bien commun et des ressources, de telles situations peuvent arriver fréquement. Exit la réflexion sur les intérêts de la classe ouvrière dans son ensemble ou sur le respect de la capacité de l'environnement à se régénérer et à maintenir sa biodiversité. Les syndicats corpos veillent au grain, les capitalistes seront assurés d'une main d'oeuvre passive qui marche au pas.

Bref, les préoccupations de certaines organisations syndicales n'est pas de savoir si un projet ou une entreprise est utile ou non, destructeur ou non, mais plutôt si leurs membres pourront tirer leur part du gâteau.

Par contre, que se passe-t-il si les travailleurs développent une conscience environnementale et ont le désir d'agir contre un projet destructeur? S'ils disent "NON!" à un projet qu'on essaie de leur imposer de force comme étant "créatrice d'emploi"? Le syndicat peut-il à ce moment sortir de cette mentalité "de droite" en agissant en dehors de son cadre légal tel que défini par la loi pour agir concrètement pour des intérêts immédiats qui sont ni en contradiction avec des intérêts de la classe ouvrière dans son ensemble, ni en contradiction avec la conservation environnementale?

Car oui c'est déjà arrivé et c'est l'histoire des Green Bans dont le clip de rap parle.

Dans le livre "Green Bans, Red Unions"* et le documentaire "Rocking the Foundations"**, il est question d'une organisation syndicale dans le domaine de la construction qui s'allia avec des écologistes petits-bourgeois. En gros, les travailleurs de la construction boycottèrent un projet qui aurait détruit une parcelle de forêt dans leur région. Dans ce livre on peut aussi lire que ces mêmes syndiqués n'ont pas seulement fait de grandes déclarations de principe, mais sont passé à l'action en faveur des droits des homosexuels et des peuples aborigènes et ce en utilisant la principale force de la classe ouvrière, le contrôle concerté et conscient de leur force de travail collective et la solidarité. Pour lire en détail l'histoire des Green Bans, voici un texte à ce sujet tiré du site du syndicat anarcho-syndicaliste français, la Confédération Nationale du Travail - française (CNT-f , à ne pas confondre avec la CNT-AIT): "1970-1974 : Les boycotts verts des travailleurs du bâtiment en Australie".

Il s'agit maintenant de voir comment le mouvement syndical d'ici et d'ailleurs peut s'ouvrir à cette perspective. Les défis de notre temps de touchent pas seulement les intérêts immédiats des personnes déjà membre d'un syndicat accrédité. Tous les membres de la classe ouvrière sont affectés par les nouvelles stratégies capitalistes d'exploitation (tel que la sous-traitance) et par la dégradation de l'environnement, de manière directe ou indirecte. C'est pourquoi il est important de continuer la tendance syndicale progressiste qui a été exprimée lors du mouvement étudiant: lutter non pas contre une réforme, mais pour un projet de société***. Les positions environnementales des centrales ne devraient pas simplement se limiter à des politiques d'achat de papier post-consommation ou à des grandes et nobles déclarations sans conséquences, par exemple.

Selon l'auteur de ses lignes, c'est la perspective de contrôle ouvrier qui fait la différence principale entre de nobles intensions environnementales et la perspective d'action concrète. Le droit de gérance des patrons sur leur entreprise est un concept trop respecté, sacralisé par la loi capitaliste. Il laisse le droit de regard sur le développement économique et surtout sur la force de travail des ouvriers et ouvrières qui se voient nier le droit de décider ce à quoi leur temps de travail servira, ce à quoi leurs énergies serviront. Le contrôle ouvrier, c'est ouvrir la fenêtre sur un univers de possibilité puisqu'on ne se refuse plus de porter un opinion et une action sur l'utilité, l'organisation et le rythme de la production économique et sociale.

Évidemment, il s'agit de savoir à quoi sert un syndicat? Tant qu'on laissera les gouvernements, les partis politiques (de gauche comme de droite) et les entreprises limiter et encadrer les syndicats dans un rôle minimaliste de défense des intérêts économiques immédiats de "leurs membres" (et non pas de la classe ouvrière dans sa nature nécessairement internationale), nous ne risquons pas de voir beaucoup de changements à ce niveau.

La définition du syndicalisme de combat propose qu'un syndicat devrait défendre la perspective de contrôle ouvrier et la maximisation des gains économiques et sociaux immédiats. La simple différence entre un projet communiste-libertaire et l'idée de Jean-Marc Piotte, se situe au niveau du lien entretenu avec les partis politiques. Contrairement à ce que pense JMP, les syndicats doivent aborder la perspective de l'action et de l'organisation sociale, politique et ultimement de la prise de pouvoir sans avoir à être la courroie de transmission des intérêts et/ou de l'intelligentsia du "Parti Ouvrier" de l'heure. QS dans le cas de Piotte.

L'impact concret des boycotts verts ouvriers, de l'action ouvrière environnementale, ne saura se réaliser que si la perspective de contrôle ouvrier vient de paire. Il en est de même bien sûr pour l'ensemble des actions touchant "l'intérêt publique" venant des organisations ouvrières, des assemblées.


* Green Bans, Red Union: Environmental Activism and the New South Wales Builders Labourers' Federation, by Meredith Burgmann and Verity Burgmann,

Lire les notes de lecture du site RebelWorker

** écouter des extraits 

***  Au sens de l'auteur de ces lignes, ce projet de société se doit d'être communiste-libertaire, écologiste, contre toutes les formes de discriminations et d'inégalités.

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