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Quelle ne fut pas ma surprise en lisant Le Devoir du 11 juillet de tomber sur la lettre signée par Louis Fournier, ce « vieux de la vieille ». Monsieur, qui se plaît à rappeler son statut de journaliste et de syndicaliste, nous offre un charmant petit billet… antisyndical et bien peu journalistique !
En s’appuyant sur « l’information » largement médiatisée de quelque chroniqueur de droite en manque de scandale, M.Fournier contribue à isoler et à diaboliser la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE), la seule organisation étudiante actuellement à même de mettre le gouvernement libéral en échec. En tant que membre de cette « quasi clandestine » (ha !) Union communiste libertaire (UCL), je vous propose donc ces quelques éclaircissements sur l’anarchisme et, puisqu’il semble que ce soit nécessaire, sur le syndicalisme.
Anarchisme 101
L’anarchisme est un courant politique révolutionnaire ayant émergé au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle, au sein de la Première internationale, et dont l’objectif est l’atteinte d’une société libertaire et égalitaire, débarrassée de toutes relations de pouvoir.
Tandis que la plupart des partisans du capitalisme et de l’institution étatique justifient la nécessité de ces systèmes coercitifs par une prétendue nature humaine foncièrement égoïste et lâche, nous croyons au contraire que l’être humain est d’abord le fruit de son environnement et de son éducation. Nous nous efforçons donc, dans nos milieux respectifs et chaque fois que l’occasion se présente, d’encourager et de susciter la réflexion critique, l’entraide et la solidarité. Nous savons bien que l’anarchisme a mauvaise presse, notamment grâce aux médias qui ne présentent généralement les anarchistes que comme de vulgaires vandales. Et pourtant, nous choisissons de revendiquer et d’assumer l’étiquette galvaudée.
Syndicalisme 101
Le syndicalisme n’a pas toujours été ce qu’il est actuellement au Québec, et M.Fournier, à titre d’ancien syndicaliste et de spécialiste des mouvements ouvriers, le sait certainement. Deux tendances principales ont marqué l’histoire de la province. D’une part, le syndicalisme dit « d’affaires », pleinement représenté par les grandes centrales syndicales d’aujourd’hui, où l’on croit notamment que la négociation se fait sur un pied d’égalité, que la crédibilité des chefs prévaut sur la mobilisation des membres et qu’il convient - discours à la mode par les temps qui courent ! - que chacun ait sa « juste part » du gâteau.
On retrouve, d’autre part, le syndicalisme de combat, prôné par exemple par la CLASSE, qui repose au contraire sur la reconnaissance que l’adversaire - État ou patronat - n’est pas neutre et a lui aussi des intérêts (généralement opposés aux nôtres), que notre meilleure arme est l’information et la mobilisation du plus grand nombre et que ce n’est généralement qu’en mettant suffisamment de pression qu’on réussit à faire plier une partie adverse intransigeante. Les syndicats de cette tendance ont toujours préconisé un fonctionnement authentiquement démocratique, où les décisions se prennent à la base, ainsi que leur indépendance de tout parti politique.
Et puis figurez-vous, M.Fournier, que même des syndicats révolutionnaires ont déjà existé, luttant à la fois pour l’amélioration immédiate des conditions de vie et pour le renversement de ce système économique qui engendre la misère, l’exploitation et la guerre ! Plusieurs centaines de milliers de membres, je vous dis ! Lux éditeur a récemment publié un excellent petit bouquin de Michael Schmidt à ce sujet-là.
La CLASSE et l'UCL
Pour conclure, je me contenterai de citer un extrait d’un communiqué publié sur notre site Web au mois de mai dernier, intitulé - tiens donc ! - « Rectificatifs sur les liens entre la CLASSE et l’UCL » : « En ce qui concerne le mouvement étudiant québécois, notre action est similaire à celle de bien d’autres militants : participation à des assemblées générales, manifestations, actions symboliques et de désobéissance civile, animation de réunions, d’assemblées, d’ateliers de formation, de conférences.
Notre approche n’est pas d’imposer des pratiques ou de “ noyauter ” des organisations en obtenant des postes de pouvoir (ce qui serait contraire à nos principes). Il s’agit plutôt de défendre la démocratie directe, d’insister sur le partage des connaissances et des responsabilités, d’inculquer une méfiance des dirigeants (étudiants ou autres), de promouvoir une vision non corporatiste de la lutte en allant au-delà de la défense des intérêts strictement étudiants, etc. »
Que des animateurs réactionnaires de radio-poubelle lancent une chasse aux sorcières contre la « terrible conspiration anarchiste », on peut le prendre avec humour, mais quand c’est repris par quelqu’un comme Louis Fournier, on se sent en droit de se poser des questions. On n’a peut-être plus les syndicalistes qu’on avait…
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Jacques Phosphore - Militant lors de la grève étudiante de 2005 et membre de l’Union communiste libertaire
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