Comparativement à la brutalité policière tolérable, selon «
l’opinion », en plein crise étudiante, la nouvelle récidive de la
matricule 728 du Service de police de la Ville de Montréal sème
visiblement l’émoi, alimentée par des témoignages sensationnels
abondants dans les médias. L’Union Communiste Libertaire joint sa voix
au flot de consternation. Mais, une fois de plus, l’empire du 1% a
absolument « les deux mains sur le volant » pour contrôler et canaliser
une contestation « raisonnable » vers la perpétuation de
l’establishment. La plus grande forme de violence, disait Emma Goldman,
c’est l’ignorance. Contrairement à la vision du monde négatrice imposée
par la classe dominante, la société est marquée de nets conflits non
moins violents dans l’écrasement et l’exploitation au quotidien des
classes opprimé-e-s par les privilégié-e-s. Nous ne prétendons pas à la
neutralité. L’UCL se portera toujours à la défense des classes
opprimé-e-s.
Si nous encourageons la mobilisation populaire contre la brutalité
policière, nous ne pensons pas moins que « l’incident 728 » est un
nouveau fait divers de la domination en tant que rapport social. Depuis
sa création, l’institution policière fut le bras armé de l’État pour
maintenir un ordre factice, par une force corrélée à la pugnacité et
l’indépendance des classes dominées. Autochtones et métis, femmes,
pauvres, personnes immigrantes, rebelles anarchistes et socialistes,
précaires et syndiqué-e-s, queers, chômeurs et chômeuses,… : les
principales cibles désigné-e-s comme criminel-le-s, et ainsi
profilé-e-s, taxé-e-s de tickets, harcelé-e-s, battu-e-s, puis
emprisonné-e-s… pour la prospérité et la sécurité de quelques
aristocrates plein de vanité, au sommet de cette pyramide sociale.
Le niveau d’expression et l’apparence physique de la policière ont
soulevé un grand nombre de propos et « blagues » à caractère sexiste,
homophobe et misogyne que nous ne dénonçons pas moins que l’incident en
soi. Pour le Comité Femmes de l’UCL, celles-ci renforcent des rôles et
rapports de genre dans lesquels les femmes sont les principales victimes
de la violence, et pas seulement de la part de la police. Les hommes
portant ces propos dénigrants sapent carrément le potentiel de
mobilisation populaire. À ceux qui se disent favorables à l’égalité
entre les sexes, nous leur disons que leurs prétentions ne valent rien
du haut de leurs privilèges de genre. S’ils sont sincères, ils peuvent
faire réfléchir les autres hommes qui portent de tels propos et
jugements.
À l’heure où c’est la police qui enquête sur la corruption des
partis politiques, nous devrions nous questionner sur la culture
mafieuse existant au sein même de celle-ci. L’absence de recours face
aux abus de la police laisse ses victimes sous la coupe de celle-ci. Que
penser d’un système de déontologie où des agents se permettent de
refuser des plaintes lorsqu’il en est de leur intérêt. Un système où,
dans un même poste de police, un agent « enquête » sur ses collègues.
Où, dans très peu de cas, les plaintes ont pour conséquence des blâmes,
et dans pratiquement aucun (même quand la police assassine), ne mettent
un terme à la carrière des dangereux. Le cercle de discussion policier,
racontée par une témoin, dans lequel la matricule 728 a changé la
version des événements avec une dizaine de ses collègues, est tout à
fait représentatif de la culture du silence dans la police (et son bien
officiel « Serment de discrétion »). Rappelons seulement qu’en 2008, un
agent du poste de Sept-Îles ayant rompu le silence face au trafic d’arme
de son chef et ses collègues fut victime d’harcèlement et d’accusations
(« menaces de mort ou de lésions corporelles à l'endroit d'un supérieur
hiérarchique ») – une histoire beaucoup plus répandue que l’on pense.
Comme communistes libertaires, nous cherchons à construire une
société dans laquelle nous pourrons supprimer la violence de nos
rapports sociaux, une société dont l’ordre sera autorégulé par la
combinaison de la pleine égalité et pleine liberté de chacune et chacun
et de la gestion collective et fédérale par démocratie directe de nos
défis. Malgré la nouvelle tendance de diffusion sur les médias sociaux,
est-il nécessaire de rappeler que la plus grande partie de la brutalité
policière continue de se passer dans l’indifférence et la tolérance
quasi-générale? Que ce que les contestataires du printemps viennent de
vivre est ce que beaucoup d’autres couches encore plus marginalisé-e-s
de la population souffrent depuis des lustres? Il est vain d’attendre
une réforme de la police. Demandez aux milliers de victimes de la sévère
crise humanitaire causée par la police au G20 de Toronto, qui ont vu
toutes leurs réclamations d'enquête indépendante tournées en ridicule! À
travers de nouvelles crises sociales, nous ferons la gymnastique
historique nécessaire pour développer l’auto-organisation populaire en
mesure de rompre le mauvais sort.
Union Communiste Libertaire
18 octobre 2012
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