dimanche, janvier 09, 2011

Un poème de Louise Michel

On est le 9 janvier 2011. Bien sûr, les dates et le temps tel que nous le concevons ne sont que des conventions sociales dont le rôle pourrait faire l'objet d'une critique, mais ce n'est pas le but de ce billet. Eh non, je vais plutôt profiter de cet étrange intérêt qu'on porte aux anniversaires en tous genres pour vous faire lire Louise Michel, décédée il y a exactement 106 ans, drette aujourd'hui.

Je pourrais raconter sa vie, mais vous n'avez qu'à fouiller un peu sur internet ou passer à la librairie anarchiste l'Insoumise - au 2033 St-Laurent - pour trouver un bouquin d'elle (ou à propos d'elle).

Je vais donc me contenter de vous partager un de ses poèmes, La nuit de la mort de Vaillant. S'agit d'Auguste Vaillant, anarchiste guillotiné en 1894 après avoir lancé une bombe à clous, deux mois plut tôt, dans la chambre des députés. Faut savoir que ce sont les belles (et brèves) années de la propagande par le fait, durant lesquelles quelques anarchistes pensaient que l'action individuelle directe suffirait à entraîner un soulèvement, par un effet boule de neige. Comme on le sait, c'est pas exactement comme ça que ça s'est passé... La répression qui a suivi a plutôt contribué à mettre sur le cul ce qu'il pouvait y avoir de mouvement anarchiste organisé. En dehors de périodes révolutionnaires, Vaillant est d'ailleurs le seul Français condamné à mort pour un crime n'ayant tué personne.
Dies irae, Dies illa
Solvet scelum in favilla.

Jamais ne viendra donc la fin?
Dorment-ils tous, les meurt-de-faim?
Jamais, jamais le dernier jour
Ne les jettera-t-il à leur tour
Dans les angoisses de la mort,
Ces bandits que la rage mord?

Toujours, esclaves et bourreaux,
Pâtiront-ils leurs échafauds?
Amis, dans l’ombre entendez-vous
Gronder la mer aux noirs remous?
Elle monte et les couvrira.
Dies irae, Dies illa...
Elle couvre, pourpre de sang,
L'Élysée et le Vatican.
Compagnons, arrachons nos cœurs,
Ne soyons plus que des vengeurs.

Passons, effrayants et maudits,
Afin que les maux soient finis.
Comblons l’abîme avec nos corps.
Amis, n’oubliez pas les morts...
La légende des temps nouveaux
Fleurira parmi les tombeaux.
C’est le destin ; le maître est dur.
C’est pourquoi le fer sera pur.

Dies irae, Dies illa,
Solvet scelum, in favina.
On dira ce qu'on voudra : les poètes d'aujourd'hui sont bien tranquilles.

4 commentaires:

Anne Archet a dit…

On dira ce qu'on voudra, si Louise Michel n'avait écrit que ces poèmes, il y aurait longtemps qu'on l'aurait oubliée.

Philou a dit…

Évidemment.

(Cette dernière phrase se voulait un tantinet provocante, dans l'espoir qu'une lectrice ou un lecteur offusquéE réagisse avec un "wo-c'est-pas-vrai-jette-don'-un-coup-d'oeil-sur-ÇA".)

Anne Archet a dit…

Cœurs vengeurs, maudits finis, corps morts, pur dur.

En plus de faire rimer fin avec faim et mort avec mord, c'est vraiment classe.

Mouton Marron a dit…

"On dira ce qu'on voudra : les poètes d'aujourd'hui sont bien tranquilles."

Les anarchistes aussi.

Pour le reste, le rythme est un peu maladroit: il y a des endroits où ça accroche. Je m'en rends compte parce que je fais les mêmes erreurs.

Il y a certainement des poètes libertaires qui sont à découvrir et dont on parle assez peu parce qu'illes n'ont pas le mérite d'être des stars de l'activisme.